La restriction des ventes à découvert, décidée le 11 août dans l'urgence de la dégringolade boursière, a été prolongée en France, Italie, Espagne et Belgique pour prévenir de nouvelles turbulences.
L'Autorité des marchés financiers (AMF), le gendarme français de la Bourse "a décidé de prolonger jusqu'à nouvel ordre" l'interdiction de cette pratique, initialement décidée pour une durée de deux semaines, a-t-elle annoncé dans un communiqué jeudi après la clôture de la Bourse.
"Elle procèdera avant fin septembre au réexamen de cette mesure, en coordination avec les régulateurs européens concernés", a-t-elle ajouté.
Des décisions comparables ont été prises par Rome et Madrid, a indiqué à l'AFP l'Esma, l'autorité de régulation financière européenne. En Belgique, aucune date limite n'ayant été fixée, la restriction se prolonge naturellement.
"Cette annonce peut rassurer les marchés boursiers qui restent extrêmement fragiles", a commenté Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM.
"Nous entrons en effet dans une nouvelle phase de turbulences: les espoirs d'annonces fortes du président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, vendredi pour soutenir l'économie américaine risquent d'être douchés et de faire replonger les marchés", explique l'économiste.
Le 11 août, des restrictions avaient été prises alors que la plupart des valeurs financières européennes étaient victimes de rumeurs alarmistes, dont certaines évoquaient même la faillite de la Société Générale. Ces ragots avaient fait plonger leurs cours de Bourse sur des marchés déjà très nerveux.
Les ventes à découvert sont un mécanisme spéculatif qui consiste à emprunter un actif dont on pense que le prix va baisser et à le vendre, avec l'espoir d'empocher une forte différence au moment où il faudra le racheter pour le rendre au prêteur. Ainsi, une action vendue à découvert alors qu'elle cote 10 euros, puis achetée alors qu'elle ne vaut plus que 8 euros, rapporte à l'auteur de l'opération un gain de 2 euros.
Cette pratique, risquée, est souvent accusée de précipiter la chute des actions les plus fragiles, et d'aggraver l'instabilité des places financières.
L'AMF a expliqué à l'AFP qu'elle constatait depuis deux semaines "en moyenne une tendance à la normalisation du comportement des valeurs financières par rapport aux autres valeurs et une atténuation des rumeurs".
Mais l'efficacité de cette restriction est remise en cause.
"Leur interdiction n'a pas été très efficace, n'empêchant pas des fluctuations très importantes sur les titres des grandes banques françaises", constate Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel.
Le 18 août, Société Générale avait ainsi dégringolé de plus de 12%, BNP Paribas de près de 7% et Crédit Agricole de près de 7,5%, alors que les ventes à découvert sont interdites sur ces titres.
De même, en 2008, leur interdiction par le gendarme de la Bourse américaine, la sec (securities and exchange commission) après la faillite de Lehman Brothers n'avait pas réussi à préserver le secteur financier de la tourmente.
"Cette mesure n'interdit au final pas grand chose et l'investisseur dispose d'autres mécanismes pour spéculer sur le secteur bancaire", souligne M. Waechter.
"Il est par exemple possible techniquement de vendre à découvert l'ensemble de l'indice CAC 40 et de racheter les 35 titres qui composent l'indice sans ses cinq valeurs financières", note Frédéric Rozier, gérant d'actions chez Meeschaert gestion privée.
A Paris, les valeurs financières concernées par l'interdiction sont Axa, April Group, BNP Paribas, CIC, CNP Assurances, Crédit Agricole, Euler Hermès, Natixis, Scor et Société Générale.