Après Moody's et S&P, l'agence de notation financière Fitch a placé à son tour sous perspective "négative" la note de la dette à long terme du Japon, à cause de l'endettement massif du pays confronté de surcroît à une crise nucléaire.
Fitch pourrait donc abaisser prochainement la note du pays, aujourd'hui fixée à "AA", la troisième meilleure sur un total de 22 échelons. Moody's lui attribue pour sa part "Aa2" (3e note sur 19) et Standard & Poor's "AA-" (4e sur 22).
"La dette brute du gouvernement a atteint 210% du PIB à la fin 2010, de loin la proportion la plus forte parmi les dettes d'Etats notées par Fitch", a expliqué l'agence dans un communiqué.
Elle a reconnu que, sur le plan de la dette nette (la dette brute moins les avoirs publics), "le Japon différait peu des autres pays bien notés, en partie parce qu'il détient les deuxièmes plus importantes réserves de change du monde, avec plus de 1.000 milliards de dollars fin 2010".
"Mais l'insolvabilité du gouvernement progresse", a prévenu Fitch.
Elle a souligné que la progression de la dette brute du pays entre 2007 et 2012 était la troisième plus rapide des pays notés par l'agence, "après l'Irlande et l'Islande qui ont tous deux connu des crises de leur système bancaire".
L'agence a estimé que le gouvernement devrait augmenter ses dépenses de 2 points de pourcentage de PIB en 2011 et 2012 pour favoriser la reconstruction du nord-est de l'archipel dévasté par le séisme de magnitude 9 et le tsunami géant du 11 mars.
"Cet élément en tant que tel ne modifiera pas la notation", a nuancé Fitch.
"Toutefois, il existe un risque considérable de dégradation des finances publiques en raison du coût inconnu du nettoyage de la centrale nucléaire de Fukushima", accidentée lors de la catastrophe et dont les autorités tentent de refroidir le combustible sans provoquer de nouvelles fuites radioactives.
Le Parlement japonais a déjà adopté une première rallonge budgétaire d'environ 4.000 milliards de yens (35 milliards d'euros) pour financer les premiers besoins de la reconstruction, hors frais causés par Fukushima.
Ces crédits doivent être financés par des économies sur divers postes, évitant au gouvernement de s'endetter davantage, mais le Premier ministre de centre-gauche, Naoto Kan, a prévenu qu'un deuxième budget supplémentaire en préparation nécessiterait l'émission de nouvelles obligations d'Etat.
Son équipe évalue à 25.000 milliards de yens (210 milliards d'euros) le coût des dégâts produits par la catastrophe, sans compter les frais induits par l'accident nucléaire ni les conséquences indirectes pour les entreprises.
Fitch a prévenu qu'elle pourrait réduire sa prévision de croissance pour le pays, aujourd'hui fixée à 0,5% en 2011, à cause "des délais de rétablissement de la production d'électricité".
La catastrophe du 11 mars, qui a fait quelque 25.000 morts et disparus, a entraîné l'arrêt d'une quinzaine de réacteurs nucléaires et endommagé plusieurs centrales thermiques, limitant la production de courant, ce qui va contraindre les autorités à imposer des restrictions d'électricité pendant l'été.
Fitch a souligné qu'elle déciderait d'abaisser la note ou au contraire de ramener sa perspective à "stable" en fonction de l'émergence ou non d'un "plan solide et crédible de consolidation (budgétaire), adossé à une perspective politique claire de mise en place".
Avant le séisme, M. Kan envisageait une réforme fiscale d'ampleur pour contenir la dette, mais cette ambition semble désormais s'éloigner. Le chef du gouvernement est en outre confronté à une opposition au sein de son propre camp et à la pugnacité des conservateurs qui rendent ardue toute initiative.