L'économie allemande a affiché au deuxième trimestre sa croissance la plus forte depuis 20 ans, un rythme qui laisse sur place ses voisins, même s'il ne pourra pas être tenu dans les mois à venir.
"Impressionnant", "phénoménal", "formidable", les économistes rivalisaient de louanges vendredi pour qualifier une hausse de 2,2% du Produit intérieur brut (PIB), la plus forte sur un trimestre depuis la Réunification en 1990.
"L'investissement et le commerce extérieur sont responsables de la plus grande part de la reprise", a commenté l'Office fédéral des statistiques, qui publie ces chiffres, mais ne livrera les détails poste par poste que le 24 août.
Mais une fois n'est pas coutume, "la consommation, publique et privée, a également contribué à la croissance du PIB", ajoute l'institution. Ce qui devrait permettre de faire taire les critiques à l'égard d'une Allemagne trop tournée vers l'export et négligeant sa demande intérieure.
Plus touchée que ses voisins par la crise --son PIB a chuté l'an dernier de 4,7%, selon un chiffre révisé vendredi--, l'Allemagne profite plus de la reprise. Au deuxième trimestre elle a laissé sur place la France et sa croissance de 0,6%, l'Italie (+0,4%) et l'Espagne (+0,2%), pour n'en citer que certains.
La demande mondiale est repartie, notamment en Asie, pour voitures, produits chimiques et machines-outils "MADE in Germany". Les entreprises allemandes, des grands noms comme Siemens et BMW aux pme spécialisées, affichent des commandes et bénéfices en hausse, font tourner les chaînes de production à plein et recommencent à embaucher; et du coup le moral des consommateurs s'éclaircit.
La Bourse de Francfort a renoué cette semaine avec les niveaux de septembre 2008, avant la faillite de Lehman Brothers et la crise. Les exportations aussi ont retrouvé en juin leur niveau d'avant-crise.
Le ministre de l'Economie Rainer Brüderle parle de "reprise en format XL", l'hebdomadaire Die Zeit de jeudi s'orne d'un aigle allemand en costume de Superman et compare les taux de croissance du pays à ceux de la Chine et de l'Inde.
Les chiffres des six premiers mois de l'année "rendent possible une croissance de bien plus de 2%" cette année en Allemagne, juge M. Brüderle, et ce, même si le rythme ralentit au deuxième semestre, comme le prédisent la plupart des économistes.
Selon une source du ministère de l'Economie citée par le journal Welt am Sonntag à paraître dimanche, Berlin table désormais sur "au moins 3%" de croissance en 2010. La prévision officielle est pour le moment de 1,4%.
Mais avec une croissance de 2,7% atteinte fin juin, la barre des 3% paraît effectivement à portée cette année, relevaient les experts: Unicredit prédit désormais 3,5%, Commerzbank 3,25%, Barclays plus de 3%.
"Nous n'avons rattrapé que la moitié des baisses subies pendant la crise", tempérait vendredi Martin Wansleben, président de la Fédération des chambres de commerce DIHK, prévenant que "ce rythme rapide de reprise (n'était) pas tenable".
Les doutes sur la pérennité de la reprise aux Etats-Unis, la décélération de la croissance chinoise et les politiques de rigueur des uns et des autres en Europe assombrissent les perspectives des exportations allemandes.
Toutefois pour Alexander Koch, analyste d'Unicredit, les chiffres tout juste publiés confirment "la renaissance du modèle allemand". Ses PME très spécialisées tournées vers l'exportation lui confèrent une supériorité d'ordre structurel que ne remettra pas en question un ralentissement du rythme de croissance.
Pour son confrère Carsten Bzreski d'ING aussi, "l'Allemagne est structurellement en bien meilleure posture que la plupart des autres pays industrialisés".