Questions sur les sables bitumineux chez Total, les infractions au droit du travail chez Carrefour, sur les indicateurs de performances sociales chez France Télécom et sur l’empreinte carbone chez Renault…En 2010, la responsabilité sociale des entreprises commence à s’imposer dans les assemblées générales des groupes du CAC 40. Certes, avec mesure : si les dirigeants y ont consacré deux fois plus de temps dans leurs interventions que l’année dernière, il ne s’agit que de 7 minutes en moyenne. Quant aux actionnaires, ils ont également posé deux fois plus de questions s’y rapportant ; mais elles ne concernent encore que 10% des 20 retenues en moyenne par assemblée. Ces chiffres montrent cependant qu’il s’agit d’une « problématique essentielle », indique Caroline de la Marnierre, présidente de Capitalcom. Cette agence de conseil en communication financière et extra-financière organise chaque année avec le cabinet d’avocats DLA Piper le « Grand prix de l’AG ». Signe des temps, cette année ils ont créé une mention spéciale RSE qui a récompensé –sans surprise- le groupe Danone.
« La plupart du temps, la RSE, où dominait cette année la problématique sociale par rapport à celle de l’environnement, a été intégrée aux présentations des stratégies d’entreprises », souligne Caroline de la Marnierre. Quelques sociétés telles qu’Air Liquide, Bouygues, Vallourec ou Suez Environnement ont ainsi présenté une sélection d’indicateurs extra-financiers après l’exposé des résultats financiers. Et après une année marquée par la problématique du stress et les conséquences sociales d’un management fortement décrié, France Télécom a consacré un quart d’heure à sa responsabilité sociale. Le groupe y a notamment dévoilé les bases de son nouveau contrat social, notamment avec la création d’un indicateur de performance sociale intégré dans le calcul de la part variable des rémunérations des 1 000 premiers managers du groupe.
Lady boom ?
Au programme des préoccupations des actionnaires figurent également les questions de gouvernance, parmi lesquelles la mixité et la diversité dans les conseils d’administration. Et ce même si une étude Capitalcom réalisée au début de l’année montrait que moins de la moitié des actionnaires étaient favorables à l’instauration de quota pour les femmes. Il faut dire que l’année a été marquée par un début de féminisation des conseils d’administration du CAC 40, où 5 fois plus de femmes ont été cooptées par rapport à 2009, faisant passer leur nombre de 6 à 30 (soit un taux de féminisation de 15,3%). Un « bond spectaculaire », selon Carline de La Marnierre, qui doit sans doute beaucoup à la proposition de loi Zimmerman et Copé actuellement en discussion et qui demande que 40% des sièges des conseils d’administration soient occupés par des femmes d’ici 2016 (voir articles lié). Projet d’ailleurs repris par la proposition Afep-Medef sur la gouvernance, et dont le palier intermédiaire de 20% (prévu pour 2013) est aujourd’hui atteint par 12 groupes dont Alstom, Axa, BNP Paribas, L’Oréal ou Vivendi, « meilleur élève » du CAC avec 30% de femmes.
Pour la présidente de Capitalcom, cette « première victoire » démontre « l’existence d’un vivier de femmes administrables ». Même si l'arrivée de "femmes de" qui, on l'a vu, a pu poser des questions quant à d'éventuels conflits d'intérêts....Surtout, il « ne faut pas s’arrêter là. On dénombre encore trop peu de femmes dans les comités stratégiques, notamment d’audit et de rémunération », reprend Caroline de la Marnière. A titre d’exemple, les Comex (Comités exécutifs) ne comptent pas plus de 7,3% de femmes et il faut rappeler que, malgré leur arrivée « massive » dans les CA, sur 634 postes d’administrateurs au sein du CAC 40, seuls 91 sont occupés par des administratrices (59 en 2009)…Pour le collectif « La Barbe » qui fait régulièrement irruption dans les assemblées générales pour défendre la mixité dans les conseils d’administration, on est donc encore très loin du compte. Invité au grand prix de l’AG, celles-ci ont ironiquement salué la « belle résistance » des hommes dans les conseils en distinguant particulièrement EADS, STMicroelectronics et Technip qui n’ont toujours laissé place à aucune femme dans leur conseil.
Autre bémol, la concentration des pouvoirs à laquelle les femmes n’échappent pas, puisque l’on dénombre 12 administratrices cumulardes… Une tendance à la concentration que l’on retrouve à la tête du CAC 40 avec le cumul des fonctions de dirigeants et de DG dans presque la moitié des quarante premières entreprises françaises. Une aberration pour leurs homologues anglo-saxons ! Enfin, la thématique des rémunérations a moins agité les débats que l’an dernier mais elle n’a pas pour autant échappé à la vigilance des actionnaires. A la Société Générale par exemple, les engagements de retraites approuvées par de précédentes assemblées aux bénéfices des anciens dirigeants mandataires sociaux ont été contestés à 44%...
Béatrice Héraud