D'après le dernier rapport du cabinet Pricewaterhouse Coopers (PwC), publié le 5 février dernier, la France est passée du 12ème au 7ème rang mondial en termes de marchés du photovoltaïque, après avoir quasiment doublé sa capacité installée, aujourd'hui évaluée à 400 MW. Mais l'emballement est terminé : « après une forte croissance en 2009, et une période transitoire en fin d'année, la filière photovoltaïque française devrait se structurer en 2010. »
La baisse des tarifs de rachat vient assainir la filière
Selon PwC, « les changements réglementaires de ce début d'année devraient se traduire par une croissance moindre mais plus saine en 2010. » La baisse des tarifs de rachats de l'électricité, publiée par décret le 12 janvier dernier, a en effet sonné le coût d'arrêt de la spéculation amorcée fin 2009. Dans un premier temps, le gouvernement avait annoncé que les milliers de demandes de rachat ayant été déposées entre le 1er novembre dernier et la publication du décret (équivalentes à une capacité totale de 3 GW), devraient être reformulées et soumises aux nouveaux tarifs. L'objectif étant de préserver la pérennité des subventions accordées à la filière. Mais face à la grogne des premiers concernés, le MEEDDM a assoupli ces restrictions, considérant qu'il faut « traiter de manière différenciée les projets abusifs ou spéculatifs d'une part, et le projets de taille raisonnable menée de bonne foi, notamment dans le secteur agricole, d'autre part. » Certains projets d'une capacité inférieure à 250kW déposés après le 1er novembre 2009 bénéficieront donc des anciens tarifs. Quant au nouveau dispositif, il devrait être « fixé par arrêté pour une publication de texte début mars 2010. »
Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER), ces nouveaux tarifs sont certes les bienvenus, « mais il ne faut pas négliger le fait qu'ils entraîneront des difficultés pour certaines entreprises du secteur. » Car si le syndicat estime que la filière comptera 15 000 emplois directs en 2012, il n'en reste pas moins que le secteur devrait se polariser autour des sociétés les plus solides, les plus fragiles se faisant peu à peu aborber. Concrètement, le marché du résidentiel devrait être épargné, puisque le tarif de rachat est quasi inchangé : il passe de 0,60€/kW à 0,58€/kW. En revanche, pour les intégrations au bâti neuf hors résidentiel, il chute de 0,55€/kW à 0,42€/kW. Une baisse de près de 30% qui impactera surtout les agriculteurs en quête de revenus complémentaires et la grande distribution, secteur disposant d’importantes surfaces immobilières et de toitures conséquentes. Plusieurs enseignes ont investi massivement dans le photovoltaïque, avec la création pour certaines de filiales vouées à la gestion de ces infrastructures.
Enfin, pour les centrales au sol, le prix du kilowattheure est désormais modulé selon l'ensoleillement de la région, de sorte qu'il devient plus attractif dans les zones les moins propices, passant de 0,32€/kW à 0,37€/kW.
Une grille tarifaire controversée
Outre la complexité de cette nouvelle grille tarifaire, certaines mesures surprennent ou inquiètent les acteurs concernés. Le SER regrette notamment qu'aucun mécanisme de transition n'ait été prévu par l'arrêté. Et désapprouve les dernières modifications effectuées par le MEEDDM : « venant un mois après les nouvelles modalités tarifaires, cette modification apparaît comme un signe d'instabilité réglementaire qui risque d'éloigner du secteur des industriels qui sont en attente de visibilité à long terme », estime le SER.
Ces nouveaux tarifs sont par ailleurs peu appréciés des agriculteurs. Selon les chambres d'agriculture, « la différence de tarif entre les installations sur bâti avec intégration simplifiée et les installations au sol amènera les porteurs de projet à se diriger préférentiellement sur les centrales au sol, ce qui va complètement à l'encontre des objectifs de préservation du foncier agricole. » Une crainte partagée par Richard Loyen, délégué général de l'association Enerplan : « dans les régions septentrionales, il sera effectivement plus rentable de construire une centrale au sol qu'une installation type toits terrasse. C’est donc la logique de développement industriel qui prévaut ».
Autre sujet de controverse : la chute des tarifs pour les futures constructions de bâtiments non résidentiels. Pour Richard Loyen, cette mesure est incohérente avec les objectifs du Grenelle de l'Environnement. « Les constructions neuves étaient destinées à l'intégration de panneaux photovoltaïques, et pourtant, elles encaissent la plus forte baisse de tarif. La question est de savoir si on veut vraiment accélérer la construction de bâtiments à énergie positive, et associer le photovoltaïque à l'effort d'amélioration de la performance énergétique. » D'autant que l'objectif du Grenelle de 5,4 GW en capacité installée à l'HORIZON 2020 semble peu ambitieux au regard du potentiel du secteur. « Le Grenelle prévoit la rénovation thermique de près de 3 millions de logements d'ici 2020. Si on pose 1,5kW sur chacun d'eux, on atteint déjà les 4,5 GW !Autrement dit, on remplit quasiment l'objectif. En considérant l'ensemble du secteur du bâtiment, on pourrait tabler sur 13 à 15 GW d'origine photovoltaïque d'ici 2020. Mais il semble que la logique comptable préside à la décision. » Car subventionner l'installation de telles capacités augmenterait sensiblement la « Contribution au service public de l'électricité ». Une taxe crée entre autres pour compenser l’obligation faite aux fournisseurs d’énergie d’acheter de l’électricité produite par les énergies renouvelables… et qui, si elle augmentait, risquerait d'attirer les foudres des consommateurs.
Les subventions baissent partout en Europe
Mais ces tarifs de rachat avantageux ne sont pas voués à financer éternellement l'amélioration de la performance énergétique. Tous les pays ayant adopté une politique de tarifs de rachat baissent effectivement leurs subventions, à commencer par l'Allemagne, leader mondial en termes de marchés. Les tarifs spécifiques aux panneaux sur toitures et centrales au sol baisseront de 15% respectivement en avril et juillet 2010. Quant aux panneaux installée sur des terres cultivables, ils verront leurs tarifs baisser de 25%. L'Italie, 6ème au rang mondial, annoncera très prochainement une baisse progressive de 20% en 2011, puis 8% en 2012 et 2013. Car tous ont en tête le fiasco espagnol de 2008. La spéculation effrénée avait conduit le gouvernement à baisser ses subventions et à plafonner la capacité des nouvelles installation éligibles, freinant sévèrement la croissance du secteur.
Mais le poids de plus en plus lourd que pèsent ces subventions dans les finances publiques n'est pas le seul facteur de décision. Les très bas prix des modules chinois tirent en effet le prix moyen des modules mis sur le marché mondial vers le bas. Or, moins les modules coûtent cher, plus les tarifs de rachat baissent. Par ailleurs, les importations massives de ces modules chinois low-cost, vont à l'encontre d’une filière créatrice d'emplois. Un certains nombre de fabricants européens ont d’ailleurs saisi la Commission, pour faire jouer les lois anti-dumping contre les produits chinois, qui bénéficient, eux, de subventions nationales, européennes et américaines. Des conditions qui lui permettent aujourd'hui d'être un leader mondial des énergies éolienne et solaire.