Depuis cinq ans, le Village vertical, c’était beaucoup de réunions, des discussions sur des plans d’architectes et un idéal pour la dizaine de familles qui participent au projet : créer un modèle solidaire et écologique d’accès à la propriété. Le 27 janvier, le concept devient réalité avec le dépôt du permis de construire de la première coopérative d’habitants en France. L’immeuble sera édifié d’ici 2012 sur un terrain de la zone d’aménagement concertée (ZAC) des Maisons neuves à Villeurbanne.
Propriétaire-locataire
« Nous serons locataires de notre espace privé et propriétaires d’un espace plus grand », résume Chikh Chemman, membre du Village vertical. Chaque sociétaire de la coopérative s’est engagé à apporter l’équivalent de 20 % du coût de construction (1360 €/m2) de son appartement sous forme de capital. Une part des loyers mensuels (780 € pour 85 m2) est destinée à rembourser progressivement les 80 % restants. Un coût relativement peu élevé pour habiter un immeuble qui se veut exemplaire sur le plan écologique. L’énergie « grise » (la pollution engendrée par la construction et la confection des matériaux) sera réduite par l’usage de bois et d’isolant écologique pour l’enveloppe du bâtiment, seule la structure porteuse utilisant le béton. Côté consommation, un toit solaire de plus de 600 m2 produira électricité et eau chaude. « Au minimum, ce sera un bâtiment basse consommation (BBC), mais nous visons mieux », explique Marine Morain, du cabinet d’architectes Arbor&Sens.
Les futurs locataires et associés du Village vertical ont planché sur l’intégration environnementale du bâtiment. Tout en répondant à l’obligation légale de créer des places de parking, la coopérative louera deux places à Autolib’, la société d’autopartage de l’agglomération lyonnaise, qui profiteront à l’ensemble du quartier.
Lien social
À l’intérieur, une buanderie commune, une salle de réception avec cuisine, quatre chambres d’amis seront gérées collectivement. Autant de lieux de vie à partager qui ont permis d’optimiser l’espace privé de chaque appartement tout en stimulant le « bon voisinage ». « Nous voulions créer de la solidarité mais sans être dans un entre soi », précise Chikh Chemman. Les membres du Village vertical ont agrégé à leur projet l’Union régionale pour l’habitat des jeunes qui logera, dans quatre des quinze appartements de la résidence, des jeunes en insertion professionnelle. Autre partenaire du projet, la coopérative HLM Rhône Saône Habitat finance la construction de 24 logements destinés à l’accession sociale à la propriété, dans la continuité architecturale du Village vertical.
Reconnaissance légale
Une cinquantaine de coopératives d’habitants sont en projet en France. Mais pour l’heure, la loi ne reconnaît pas, sur le plan fiscal, la spécificité non-lucrative de ce mode de gestion collectif de la propriété. « L’objectif n’est pas de faire des bénéfices par la perception des loyers, mais de se désendetter et de constituer des réserves pour assurer sa pérennité », explique Olivier David, président de l’association Habicoop qui milite pour une loi reconnaissant le statut. De même, la cession des parts sociales en cas de sortie de l’un des sociétaires est indexée sur l’indice des prix à la consommation et non sur l’indice de la valeur foncière, pour empêcher toute spéculation.
« Si le gouvernement n’avance pas, des groupes qui ont beaucoup travaillé vont se casser la figure », s’inquiète Olivier David qui attend la création d’un groupe de travail réunissant ministère de l’Ecologie, du Logement et Bercy. Nombre d’élus locaux et notamment ceux engagés dans des projets d’écoquartier poussent à la reconnaissance légale de la coopérative d’habitant qui apporte « la dimension sociale et de vie de quartier à un projet environnemental », remarque Olivier David. Reste à lever la réticence du ministère du Logement qui craint d’ajouter une strate supplémentaire à une législation sur le foncier urbain déjà complexe.
Philippe Chibani-Jacquot