Même s’ils n’y connaissent pas grand-chose, les investisseurs s’intéressent à la micro-finance. L’affluence au déjeuner organisé le 11 juin 2009 par le conseil en investissement Altedia IC, sur le thème « Investir en micro-finance », témoignait de ce paradoxe. L’enquête, réalisée pour l’occasion, montre que près de 80 % des investisseurs interrogés n’ont que de vagues connaissances et pas de compétences réelles sur la micro finance, 95 % d’entre eux n’ont jamais fait de placement de ce type. Enfin, pour 50 % des personnes interrogées, le fait d’investir de manière responsable et solidaire constitue le principal avantage de la micro-finance.
Première difficulté : ce bénéfice social, dont le prix Nobel de la paix 2006 Mohammad Yunus est devenu l’ambassadeur, est très difficile à mesurer. La micro-finance a certes permis de prêter plus de 50 milliards d’euros à plus de 155 millions de personnes dans le monde. Mais quel réel bénéfice ont-ils pu en tirer ? Ont-ils pu grâce à cela faire vivre leur famille et développer une activité ? « Depuis trente ans des recherches sont menées pour tenter de trouver des méthodologies d’analyse statistiques satisfaisantes » explique Emmanuelle Javoy, responsable de Planet Rating, organisation spécialisée dans la notation des projets de micro-finance. « Pour l’instant, les organisations de micro-finance mettent surtout en avant des témoignages individuels de réussite. Ils peuvent facilement être contrebalancés. »
Un reportage, diffusé dans le magazine Envoyé Spécial, a particulièrement bousculé les défenseurs de la micro-finance en mettant en cause l’efficacité du modèle. Pour Emmanuelle Javoy, la micro finance n’est pas un outil miracle mais il est très utile dans la mesure où, dans certains pays, 70 à 80 % de la population n’a pas de compte en banque. Cela marche, selon elle, à condition de ne pas se contenter de prêter de l’argent mais d’accompagner le micro entrepreneur dans son activité via des services multiples.
Trop de promesses?
Xavier Reille, analyse spécialisé sur la micro-finance du centre de recherche spécialisé sur la pauvreté et le développement, explique qu’on a trop promis sur la micro-finance et qu’elle rencontre aujourd’hui deux grand risques de réputation : le surendettement des emprunteurs et le montant élevé des taux d’intérêt qui leur sont proposés. Le surendettement n’est possible que dans les régions où les institutions de micro-finance sont très nombreuses, comme au Bengladesh. Certains habitants peuvent par exemple souscrire jusqu’à dix prêts simultanés pour financer les divers remboursements. « Il y a trois réponses possibles et complémentaires pour lutter contre ce phénomène» explique Xavier Reille. « Créer des centrales d’information entre organismes de prêts, adopter des codes éthiques et mettre en place une régulation ». Sur les taux d’intérêt, il reconnait qu’il peut y avoir des moutons noirs mais que globalement la profession essaie de les faire baisser (en moyenne de 2,3 % par an depuis 2003) et d’en faire meilleur usage. Les organisations de micro finance les plus transparentes prêtent de l’argent à des taux qui varient entre 16 et 20 % mais il existe des « requins » qui peuvent pratiquer des taux à plus de 100%.
En Russie, la micro-finance résiste à la crise
Pour séduire les investisseurs, l’accent est mis sur vertus financières de la micro finance, le bénéfice social étant supposé acquis. Or les fonds de micro-finance ont, en moyenne, rapporté plus de 5 % par an et n’ont pas démérité en 2008, puisqu’ils sont décorrélés des marchés boursiers. La crise a-t-elle eu, malgré tout, un impact négatif sur la microfinance ? Pour Maria Teresa Zappia, responsable de l’analyse des investissements de Blue Orchard, l’un des plus important fonds de micro-finance, il est resté limité. « Même si les micro entrepreneurs ont été fragilisés, les défaillances concernent moins le micro crédit que les prêts à la consommation. Il s’agit souvent de milliers de petits prêts de courte durée et leur dimension sociale permet à leurs bénéficiaires de s’appuyer sur des réseaux d’assistance. Enfin, les gros contributeurs de la micro-finance sont souvent des institutions publiques qui n’ont pas diminué leurs investissements depuis la crise. » Afin de rassurer ceux qui auraient encore des doutes, elle appuie sa démonstration sur la situation russe. Dans la Russie en pleine crise d’octobre 2008 à mars 2009, où le rouble a été dévalué de 35 % et 18 banques traditionnelles ont fait faillite, les Institutions de Microfinance ont résisté. Aucune n’a disparu, les taux d’impayés sont restés très nettement inférieurs à ceux des banques -qui peuvent atteindre 50 %- et la méthodologie de suivi de projets a permis d’octroyer des prêts à meilleur escient.
Conclusion : 2008 a été une bonne année pour la micro-finance en termes financiers et les perspectives 2009 sont bonnes puisqu’elle attire de nouveaux investisseurs. Quelle sera, en revanche, son efficacité pour limiter les ravages sociaux provoqués par la crise financière ? L’impact est beaucoup plus difficile à mesurer !