L’affaire Madoff, qui a éclaté début décembre 2008, génère son lot de premières juridiques. Côté contentieux, une alliance internationale d’avocats a été créée, le 17 février à Madrid. Elle rassemble 35 cabinets regroupant près de 5000 avocats travaillant dans 22 pays, chargés de suivre les quelques 22 000 plaintes potentielles d’investisseurs abusés. « Il s’agit d’articuler la défense juridique internationale des quelques trois millions de personnes touchées par cette escroquerie planétaire" a expliqué maître Cremades, avocat du cabinet espagnol Cremades & Calvo-Sotelo, lors de la conférence de presse de lancement de cette alliance hors norme. Ils vont commencer par compiler toutes les données dont ils disposent puisque ce sont des investisseurs de toute nature (particuliers, sociétés de gestion, fondations, banques…) qui avaient des placements Madoff, directs ou indirects. La première étape consiste à mener une enquête pour tenter de mesurer l’ampleur des pertes et identifier coupables et complices.
Absence de contrôle
C’est un des dossiers sur lequel se mobilise Déminor, cabinet spécialiste de la défense des petits actionnaires. Il évalue à 14 milliards d’euros la perte approximative des investisseurs européens et a dressé une liste de 9 fonds, conformes aux règles européennes, ayant servi à diffuser les « produits Madoff » dont Luxalpha, fonds de droit luxembourgeois commercialisé par UBS. Le 11 février, Deminor a annoncé le lancement d’une procédure en référé contre Luxalpha ainsi que plusieurs entités de la banque suisse. Il estime particulièrement inadmissible que les sociétés de gestion laissent sans réponse les investisseurs mais aussi l’absence de contrôle exercé par ces sociétés de gestion sur les fonds qu’elles distribuaient. « Il semble qu’il n’y ait pas eu un seul échange électronique prouvant l’existence d’un contrôle de leur part sur la gestion des « actifs Madoff », a affirmé Deminor, lors de la conférence de presse qu’il a organisée, début février, à Luxembourg. « Or la législation explique clairement qu’elles ne doivent pas déléguer leurs fonctions pour ne pas devenir de simples boîtes aux lettres. » Deminor veut mettre en exergue les lacunes de l’application des règlementations européennes et les faiblesses de la protection des investisseurs. « Les faits montrent que les lois européennes et locales ont été violées, les investisseurs privés de leurs droits fondamentaux, les autorités politiques européennes et nationales doivent prendre des initiatives politiques fortes ! » concluent les responsables de Deminor.
En attendant, une société de gestion française a pris une initiative encore tout à fait exceptionnelle. Le 6 février, Meeschaert a décidé de rembourser à ses clients les sommes perdues dans le fonds Luxalpha. Elle devance les diverses procédures en cours auxquelles elle s’associe, en particulier contre UBS. Dans la mesure où un de ces fonds éthiques est concerné, (voir article lié), il est d’autant plus important pour elle de restaurer son image. Le mécanisme mis en place consiste à racheter les actions du fonds Lux alpha détenues par ces clients à un prix déterminé, pour moitié en avril 2009, et pour l’autre moitié en avril 2010. Cédric Meeschaert, actuel président du directoire de cette maison familiale se justifie ainsi : « Face aux excès mis en lumière ces derniers mois, nous déplorons le manque de responsabilisation actuel de la place financière internationale. La confiance que nos clients nous accordent nous donne également des devoirs. Nous nous devons d’être à leurs côtés pour les accompagner dans la durée. » Ses clients lui seront en tous cas reconnaissants du temps qu’il leur fait gagner. Les avocats qui travaillent avec Deminor sur le dossier redoutent que les procédures durent « au moins 10 ou 15 ans ».
A. C. Husson-Traoré