A affaire exceptionnelle, stratégie exceptionnelle ! L’affaire Madoff génère l’union sacrée des sociétés de gestions françaises ayant eu des parts dans les fonds incriminés (voir article lié). Habituellement concurrentes, elles font front, ensemble, pour se retourner vers les promoteurs de ces produits : « Nous avons une stratégie commune qui consiste à mettre en cause la responsabilité de toute la chaîne des fonds liés à Madoff, gestionnaires, dépositaires et commissaires aux comptes » explique Pierre Bollon, le directeur de l’AFG, association des professionnels de la gestion. Confrontée à l’instruction d’une affaire hors normes, son organisation a décidé de faire appel à l’expertise de Colette Neuville qui préside l’ADAM, Association de défense des actionnaires minoritaires en lui confiant , pour la première fois, une mission d’assistance. « Nous avons noué un partenariat qui nous permet de bénéficier de son expérience et témoigne de notre détermination à se battre jusqu’au bout pour que clients et investisseurs lésés puissent être indemnisés » précise Pierre Bollon.
Les sociétés de gestion iront-elles jusqu’au procès ? Cela dépendra de l’attitude des acteurs visés, UBS en tête qui commercialisait le fonds Luxalpha. La banque suisse continue à garder le silence. Toute mention Luxalpha a disparu de son site web et elle ne semble guère disposée à entamer quelque négociation que ce soit, au risque de mettre gravement en péril sa réputation de banque déjà entachée par la perte de 13 milliards d’euros en 2008.
Indépendamment des actions lancées par la profession, un investisseur individuel a d’ores et attaqué UBS au pénal. Il s’agit d’une épargnante française qui avait placé 540 000 euros sur le fonds Luxalpha. Sa plainte a donné lieu à l’ouverture d’une enquête par la brigade financière pour "abus de confiance et escroquerie".
Enquête de la Commission européenne
De façon plus générale, l’affaire Madoff a relancé le débat sur l’harmonisation des règlementations européennes concernant les fonds d’investissement et donné lieu à une nouvelle passe d’armes entre la France et le Luxembourg. La première, par la voix de Christine Lagarde, accusant le second de ne pas offrir aux investisseurs les mêmes garanties de remboursement en cas de défaillance. Celui-ci a expliqué qu’il s’inscrivait en faux et que les lois des deux pays étaient similaires. « C’est vrai », disent les spécialistes mais les disparités reposeraient plutôt sur des différences de pratiques et d’instructions données par les autorités des marchés financiers de chacun de ces pays. Conséquence : la Commission européenne a annoncé, le 21 janvier, qu’elle allait ouvrir une enquête sur la façon dont les Etats membres ont appliqué les règles concernant les OPCVM. Cette initiative a été approuvée par l’ensemble des ministres des finances européens.
Quels seront exactement le montant des dommages causés par l’affaire Madoff ? Officiellement en France, ils s’élèvent toujours à 500 millions d’euros mais il semblerait que tous les investisseurs lésés ne souhaitent pas se faire connaître mais elle provoque aussi des dommages collatéraux. Il sera sans doute très difficile de chiffrer l’atteinte au risque de réputation générale des banques que représente cette affaire. On peut, pour l’instant, se contenter de relayer la question posée par une société de gestion spécialiste de la gouvernance et de l’ISR, Phitrust. Elle s’interrogeait, en décembre, sur la gouvernance que devrait avoir les banques et les sociétés de gestion et concluait ainsi son propos « Séparer les métiers, proposer de nouveaux membres de conseils d’administration libres d’intérêt ayant de nouvelles idées ou capacités opérationnelles, retrouver la confiance sont aujourd’hui les « challenges » des financiers pour 2009. Le feront-ils ? » La question reste ouverte.