Les Bourses mondiales ont fortement rebondi jeudi au cours d'une journée en dents de scie, les investisseurs restant à l'affût de la moindre information, au lendemain d'une séance marquée par l'effondrement des valeurs bancaires.
L'annonce d'une rencontre entre le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, des rumeurs d'interdiction des ventes à découvert ou encore une timide amélioration des chiffres du chômage aux Etats-Unis ont provoqué cette remontée, selon les analystes.
"Ce sont des marchés très sensibles qui réagissent à toutes les informations possibles", a observé Yves Marçais, vendeur d'actions chez Global Equities.
"C'est un rebond que nous considérons comme technique", tempérait à Madrid Soledad Pellon Bannatyne, analyste chez IG Markets, estimant que "la tendance de fond restait négative". "Il y a une importante volatilité et beaucoup de spéculation", a-t-elle ajouté.
M. Sarkozy a annoncé qu'il recevrait mardi prochain Mme Merkel pour évoquer la réforme de la gouvernance de la zone euro, une rencontre qui sera suivie d'une conférence de presse. Le couple franco-allemand, moteur de l'Union économique et monétaire, a "décidé de formuler des propositions communes concernant la réforme de la gouvernance de la zone euro avant la fin de l'été".
Les places financières ont réagi positivement à cette annonce, ainsi qu'à des informations, relayées par la chaîne d'information financière CNBC, selon lesquelles la France et l'Italie s'apprêteraient à interdire les ventes à découvert, une pratique de spéculation à la baisse qui peut accentuer les variations de cours.
L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), le régulateur du secteur, a indiqué en fin de journée, après la clôture des marchés européens, que les ventes à découvert seront restreintes en France, en Italie, en Espagne et en Belgique à partir de vendredi pour lutter contre les "fausses rumeurs" qui déstabilisent les marchés.
Wall Street a par ailleurs bien accueilli la diminution du nombre hebdomadaire d'inscriptions au chômage aux Etats-Unis. Mardi, la banque centrale américaine (Fed) s'était alarmée de la "détérioration de la conjoncture générale sur le marché de l'emploi ces derniers mois" et de perspectives de croissance molles.
Les Bourses européennes ont terminé en forte hausse. Londres a gagné 3,11% en clôture, Paris 2,89%, Francfort 3,28%, Milan 4,10%, Madrid 3,56% et la Bourse Suisse 5%.
De l'autre côté de l'Atlantique, à la Bourse de New York, le Dow Jones a engrangé 3,95%. Le vénérable indice a cette semaine un mouvement de plus de 400 points au cours de quatre séances consécutives, pour la première fois de son histoire. Il a fini dans une direction différente chaque jour au cours des huit dernières séances.
"Les marchés sont très nerveux. Il suffit d'une déclaration d'un responsable politique, d'un article de presse négatif pour que ça repique du nez", a observé Jean-Paul Pierret, analyste chez Dexia Securities.
La solidité des banques européennes, très exposées à la dette publique des pays de la zone euro dont elles détiennent un volume important de titres, est restée au centre de l'attention des investisseurs.
Les analystes de Bank of America ont prédit que ces banques européennes continueraient de susciter la défiance tant que la crise de la dette publique resterait une source d'inquiétude.
La Banque centrale européenne (BCE) a indiqué jeudi qu'elle avait prêté la veille, dans l'urgence, plus de 4 milliards d'euros aux banques, la plus forte demande depuis trois mois.
Les banques européennes hésitent à nouveau à se prêter entre elles et préfèrent par mesure de sécurité déposer leurs liquidités excédentaires auprès de la BCE, selon des analystes.
En début de journée, une rumeur évoquait une nouvelle perte de l'ordre de 500 millions d'euros de la banque française BNP Paribas, en raison de son exposition à la dette publique de la Grèce, un pays en train de négocier la restructuration de sa dette.
L'action Société Générale s'était effondrée mercredi sur des rumeurs de faillite, vigoureusement démenties par le PDG de la banque Frédéric Oudéa, entraînant dans son sillage l'ensemble des titres bancaires en Europe.
"Les évolutions récentes des marchés boursiers n?affectent pas la solidité financière des banques françaises et la capacité de résistance dont elles ont fait preuve depuis le début de la crise", a assuré jeudi le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer.
En Italie, le ministre de l'Economie, Giulio Tremonti, a promis des mesures d'austérité "très fortes", notamment des coupes dans les aides sociales et les retraites. Pour accroître les recettes, Rome envisage aussi d'augmenter les taxes sur les gains financiers de 12,5% à 20%.
La veille, c'est la France, visée par des rumeurs sur une éventuelle dégradation de sa note de crédit aussitôt démenties, qui avait promis de dévoiler de nouvelles mesures d'austérité, le 24 août.
La BCE s'est employée à apaiser les craintes d'aggravation de la crise de la dette en faisant savoir qu'elle rachèterait des emprunts d'Etat des pays de la zone euro en difficulté jusqu'à ce que le Fonds de soutien européen (FESF) prenne le relais.
"Dès que le FESF recevra les moyens qui lui ont été promis, alors il n'y aura plus de raison pour la BCE de rester sur les marchés", a affirmé le Luxembourgeois Yves Mersch, membre du conseil des gouverneurs dans un entretien à paraître vendredi dans le Wall Street Journal.
La Commission européenne a affirmé jeudi que la zone euro ne préparait pas de plan de sauvetage pour Chypre, autre pays dans le collimateur des agences de notation.
Les placements jugés les plus sûrs ont dans un premier temps été prisés, avant que les investisseurs ne reviennent vers les actifs plus rémunérateurs comme les actions. L'or, valeur refuge par excellence, a crevé le plafond des 1.800 dollars l'once sur le marché au comptant pendant les échanges asiatiques avant de se replier.
En Asie, Tokyo a perdu 0,63% et Hong Kong 0,95%, alors que Shanghaï a clôturé en hausse (+1,27%).
Vers 20H45 GMT, l'euro s'appréciait face au billet vert, à 1,4226 dollar, tandis que le prix du pétrole reculait.
Le franc suisse a chuté à la fois face à l'euro et au dollar. La Banque nationale suisse a indiqué qu'elle étudiait des mesures pour lutter contre la hausse du franc, sans exclure un arrimage de la monnaie helvétique à l'euro.