(AOF / Funds) - "Alors que l'issue finale après l'accident nucléaire survenu à la centrale de Fukushima est encore très incertaine, les investisseurs ISR sont déjà en mesure d'évaluer les différents scénarios énergétiques à long terme consécutifs à cet événement dramatique. Fukushima devrait marquer un tournant pour les politiques énergétiques au sens où cet accident a sérieusement ébranlé la confiance du public dans la s-reté nucléaire", note Dexia AM.
"Il a fallu plus de vingt ans au secteur nucléaire, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, pour pouvoir amorcer un nouveau cycle de construction de capacités. En réponse aux événements survenus récemment, les pouvoirs publics vont devoir privilégier le renforcement des normes de gouvernance et de s-reté applicables au secteur nucléaire. Ceci devrait engendrer des coûts supplémentaires pour le nucléaire, le rendant moins attrayant au plan économique ; cette tendance se dessinera au détriment de la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial."
"Le gaz naturel et le charbon pourraient alors être plébiscités à court terme même s'ils demeurent moins attractifs en termes de risque géopolitique (pour le gaz) et d'empreinte carbone élevée (pour le charbon). Par conséquent, à plus long terme, de nombreux pays n'auront d'autres solutions que de se tourner vers l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables pour disposer de sources d'approvisionnement en énergie qui soient s-res et propres. Les investisseurs seront prêts à accorder une prime aux énergies renouvelables s-res, tout en attribuant une décote plus importante au nucléaire jugé plus risqué."
"Aujourd'hui, l'énergie nucléaire représente 6% de la production d'énergie primaire à travers le monde et près de 15% de l'électricité mondiale. En valeur absolue, le Japon est le troisième producteur d'énergie nucléaire au monde (derrière les Etats-Unis et la France). Avec une population de 127 millions d'habitants, une économie moderne et aucun accès direct aux ressources, le Japon est un condensé des défis qui se posent à notre monde pour assurer la sécurité de l'approvisionnement en énergie, tout en continuant à croître de manière durable."
"Les pays développés se sont dotés de capacités nucléaires afin de garantir leur indépendance énergétique dans le sillage de la crise pétrolière. Toutefois, après les catastrophes de Three Mile Island et de Tchernobyl, la progression du nucléaire a marqué le pas dans les années 1990. Deux tiers des centrales nucléaires actuellement en chantier se trouvent en Chine, en Russie et en Inde, des pays où les autorités ont fait le pari du nucléaire, comme alternative aux énergies fossiles pour satisfaire leurs besoins énergétiques."
"Ces dernières années, la progression de la demande en énergie, les besoins en renouvellement des capacités installées et la lutte contre le changement climatique ont contribué à une « renaissance » du nucléaire, celui-ci représentant (avec l'hydroélectricité) la seule source d'énergie disponible à grande échelle et avec de faibles émissions de CO2."
"Lorsque le séisme de Tohoku et le tsunami ont frappé les côtes japonaises le 11 mars 2011, les réacteurs en service à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi (propriété de Tokyo Electric Power Co, Tepco, qui en assure également l'exploitation) ont été automatiquement mis à l'arrêt. Cependant, l'interruption de l'alimentation électrique du réseau a entraîné une panne des systèmes de refroidissement qui constituent un élément vital des centrales nucléaires."
"Les groupes électrogènes qui devaient prendre le relais ont été, à leur tour, noyés par les inondations dues au tsunami, ce qui a entraîné une perte de réseau totale de la centrale. La baisse du niveau d'eau dans les cuves du réacteur a exposé le combustible à l'air. La panne électrique a également empêché la circulation d'eau dans les piscines où repose le combustible usagé. Ces deux facteurs ont conduit à une élévation de la radioactivité. De l'eau de mer a été déversée dans une tentative pour refroidir les réacteurs. Dans le monde entier, l'inquiétude est grandissante au sujet de la contamination radioactive."
"Les événements de Fukushima ravivent le débat au niveau national et international sur la s-reté nucléaire. Il a fallu plus de vingt ans au secteur nucléaire, au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, pour amorcer un nouveau cycle de construction de capacités. Fukushima marque un tournant pour les politiques énergétiques à travers le monde, dans la mesure où les nouvelles exigences en matière de s-reté et la réticence des populations vont sans aucun doute entraîner l'ajournement, voire l'annulation, d'une partie significative des projets nucléaires en cours de développement."
"De nombreux pays, notamment au sein de l'UE, revoient les normes de s-reté applicables à leurs installations existantes dans le cadre de tests de résistance. Ils remettent en question les allongements de durée de vie des centrales préalablement décidés et envisagent la fermeture anticipée de leurs unités les plus anciennes. Plus important encore pour l'avenir, la réticence généralisée du grand public et des populations locales va par ailleurs faire obstacle au potentiel de mise en chantier de nouvelles tranches nucléaires."
"Les réponses apportées par les autorités aux inquiétudes croissantes sur le nucléaire prendront incontestablement diverses formes (entre pays pro- et anti-nucléaires). La réaction de l'Allemagne qui n'a pas tardé à opter pour la fermeture de ses réacteurs les plus anciens est emblématique de l'importance de l'acceptabilité du nucléaire par le public, au-delà de simples considérations électorales de court terme. La France pourrait faire face à l'ouverture d'un débat sur la question."
"Quant aux Japonais, ils vont très probablement reconsidérer leur dépendance vis-à-vis de cette énergie. L'Italie vient tout juste d'annoncer un moratoire d'un an sur les procédures d'installation de nouveaux sites nucléaires. Et même les pays émergents, à l'instar de la Chine et de l'Inde, gros consommateurs d'énergie pour les besoins de leur économie, ont annoncé avoir entamé un examen approfondi de leur politique nucléaire. La Chine a suspendu l'approbation de ses nouveaux programmes et projets dans le nucléaire afin de procéder à des inspections de s-reté dans toutes ses centrales en cours de construction."
"Ces examens sur la s-reté devraient potentiellement aboutir aux résultats suivants : standardisation qui tende vers les plus hauts niveaux de normes de s-reté à travers le monde, avec une attention particulière accordée à la résistance des systèmes de refroidissement et au confinement des piscines de combustible usagé ; examen encore plus rigoureux de l'exposition des centrales nucléaires aux risques de séisme, de tsunami et d'inondations ; amélioration de la gouvernance qui régit les relations entre les agences indépendantes de s-reté, les pouvoirs publics et les exploitants nucléaires (au vu de ce qui se passe au Japon et des potentiels conflits d'intérêts)."
"Etant donné que les coûts de l'industrie nucléaire vont très probablement augmenter, l'énergie nucléaire va devenir moins économique avec une hausse des dépenses d'investissement et de maintenance, des éventuelles taxes sur le nucléaire et des coûts accrus liés à l'enfouissement à long terme des déchets nucléaires.
"A court terme, la production d'électricité à partir de gaz devrait, du fait de sa souplesse, être le grand bénéficiaire de cet examen en profondeur du nucléaire. Cependant, le risque géopolitique inhérent à l'approvisionnement en gaz constitue une limite. Le charbon représentera également une alternative au nucléaire compte tenu de son abondance et de la faiblesse relative de son coût, mais son empreinte carbone élevée devrait réduire son utilisation."
"Après l'accident de Fukushima, les analystes ISR de Dexia AM tablent sur un vigoureux regain d'intérêt en faveur de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables de la part des pouvoirs politiques. La hausse des prix de l'énergie, due en partie à l'utilisation accrue des combustibles fossiles émetteurs de CO2 et à la hausse des coûts du nucléaire, amènera les gouvernements à faire la promotion des réseaux électriques intelligents et à multiplier, par exemple, les efforts dans le sens de l'efficacité énergétique des bâtiments."
"Les investissements dans l'éolien, le solaire et la biomasse devraient passer à la vitesse supérieure. Alors que les combustibles fossiles et l'énergie nucléaire connaissent une tendance séculaire de renchérissement de leurs coûts, il n'a jamais été aussi vrai d'avancer que les énergies renouvelables deviennent elles au contraire de plus en plus économiques. L'efficacité énergétique et les énergies renouvelables pourraient bien incarner la véritable solution à long terme que de nombreux pays vont devoir explorer afin de sécuriser leur nécessaire approvisionnement en énergie s-re et propre."
"Notre modèle propriétaire procède actuellement à l'analyse des grands pays déjà équipés d'installations nucléaires ou ayant des ambitions nucléaires afin d'évaluer leur positionnement par rapport au nucléaire dans un monde post-Fukushima. Par conséquent, nous délaissons les pure players nucléaires (par exemple, les sociétés qui se concentrent exclusivement sur l'extraction d'uranium) et nous sommes très stricts avec les sociétés électriques disposant de capacités nucléaires en matière de gouvernance, de s-reté et de gestion de l'eau et des déchets."
"Ainsi, Tepco, pour des motifs liés à son manque de transparence par le passé, était déjà absente de l'univers ISR de Dexia AM, de même que tous les autres exploitants nucléaires japonais, en raison de controverses sur la s-reté les concernant, préalablement aux événements de Fukushima (notamment par rapport aux tremblements de terre). L'approche thématique Green Planet privilégie les pure players de petite taille, en investissant dans des sociétés qui apportent des solutions durables aux défis environnementaux. L'efficacité énergétique et les énergies renouvelables sont les deux plus importants segments."
"Le monde peut-il se permettre de tourner le dos au nucléaire ? Cet accident sonnera-t-il le glas de l'énergie nucléaire mondiale ? L'industrie nucléaire devra, en tout état de cause, intensifier ses efforts pour s'assurer que l'énergie nucléaire, notamment avec les réacteurs de troisième génération, constitue une source d'électricité faiblement carbonée, s-re et garantissant un approvisionnement électrique de base fiable."