(AOF / Funds) - "Les prix de référence du pétrole se sont dirigés vers la barrière psychologique des 100 dollars le baril, comme ils le faisaient début 2008 ; et comme ils le faisaient à la même date, les ministres du Pétrole de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) nient que les fondamentaux du marché tirent les prix à la hausse", écrivent les experts du cabinet londonien Centre for Global Energy Studies (CGES). Le cabinet, fondé à Londres par l'ancien ministre saoudien du Pétrole cheikh Zaki Yamani, juge le niveau de prix actuel dangereux pour la reprise de l'économie mondiale.
Une demande plus forte qu'attendue dans la deuxième partie de l'année 2010 (entre 2009 et 2010, la croissance de la demande a été de 3 millions de barils par jour) a épuisé les stocks. Le monde a désormais besoin de davantage de pétrole de la part de l'Opep, afin de rééquilibrer le marché et de ramener les prix dans une fourchette raisonnable.
Ce rapport, mensuel, est publié alors que le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaîmi, a estimé lundi à Ryad que la demande mondiale sur le brut devrait augmenter de 2% en 2011 et s'est déclaré optimiste quant à la stabilité du marché. M. Nouaîmi, dont le pays est le premier exportateur mondial de brut, a cependant refusé de répondre aux questions des journalistes qui lui demandaient si l'Opep envisageait une augmentation de la production.
"Plusieurs ministres de l'Opep semblent avoir relevé leur estimation du juste prix du baril, suivant en cela le mouvement de hausse actuel des prix. Quand les prix du pétrole ont menacé de passer au-dessus de 80 dollars, en avril dernier, les ministres de l'Opep ont déclaré que leur organisation ne prendrait de décision que si les prix repassaient au-dessus de 100 dollars. Maintenant qu'ils ont presque atteint ce seuil, plusieurs responsables suggèrent que 100 dollars est un juste prix pour le baril", arguent les experts.
Relevant que l'Opep a admis avoir une capacité de réserve de 6 millions de barils par jour, le CGES estime que cette capacité n'aura de caractère lénifiant sur le marché que si ce dernier est convaincu que le pétrole en surplus sera utilisé en temps utile : "A chaque fois que les prix se sont approchés d'un niveau dont on aurait pu attendre qu'il nécessite une réponse de l'Opep, le cartel a trouvé une raison pour ne rien faire, sans considération pour les conséquences que cela pourrait avoir sur la future demande de son propre pétrole", accuse le cabinet.
De nombreux analystes réutilisent l'argument de 2008 sur le caractère destructeur, pour la demande, des prix actuels.
Reconnaissant que l'Opep n'a pas de mandat particulier concernant un éventuel maintien de la stabilité des prix, le cabinet rappelle que ces prix sont fixés en grande partie par les besoins budgétaires des pays producteurs. Par exemple, la fourchette 70-80 dollars, estimée par l'Arabie saoudite comme étant le niveau "juste" du baril correspond au budget du royaume en 2010.
Les besoins pour 2011 correspondent davantage à un baril à 83 dollars qu'à 75, anticipent les analystes ; aussi une hausse substantielle de la production, propre à faire redescendre les prix, n'est-elle peut-être pas à l'ordre du jour.
Pourtant, la hausse des prix de l'énergie, couplée à celle des matières agricoles et des ressources minières, va inciter à des resserrements de politique monétaire, en raison de l'inflation attendue, et limiter la reprise économique de pays plongés dans la récession la plus grave depuis la Grande Dépression des années 1930. Cela ne devrait pas effrayer les pays producteurs, qui voient toujours d'un oeil satisfait la demande asiatique se renforcer, conclut cependant le CGES.