La finance solidaire ne connaît pas la crise. « Cette année, l’épargne solidaire devrait augmenter d’au moins un milliard d’euros –contre un peu moins de 800 millions en 2009 », estime François de Witt, le président de Finansol, une association qui labellise les placements financiers solidaires et les opérateurs de finance solidaire. En 2009, selon le 8ème baromètre Finansol-La Croix-Ipsos, l’encours de l’épargne solidaire a ainsi dépassé les 2,4 milliards d’euros, soit une progression de 47%.
Si les placements solidaires comme les livrets, les sicav, les actions de financeurs solidaires ou les assurances vie ont connu des progressions de l’ordre de 20 à 25 % c’est surtout à l’épargne salariale (les fonds communs de placement d’entreprises solidaires-FCPES) que l’on doit cette spectaculaire croissance. Car cette dernière a pratiquement doublé l’an dernier, passant d’un peu plus de 500 millions à plus d’1 milliard d’euros. Et ce avant même, l’obligation récente (depuis le 1er janvier 2010) faite aux entreprises de proposer un fonds solidaire dans chacun de ses plans d’épargne. « Les directions d’entreprise ont compris qu’en ces temps difficiles, leurs salariés sont favorables à l’idée de financer des activités à forte utilité sociale. Les prévisions pour 2010 devraient confirmer cette mutation », observe le président de Finansol. Aujourd’hui environ 400 000 salariés sur les quelque 12 millions concernés ont ainsi choisi de placer leur épargne salariale dans des placements solidaires.
Un financement destiné au logement, à l’environnement et à l’emploi
Dans la banque de détail en revanche, si l’on voit depuis l’an dernier les banques mutualistes s’intéresser plus largement au sujet, les marges de progression sont encore très fortes. « Les banquiers ne savent pas encore bien en parler, remarque Guillaume Legaut, le directeur de Finansol. Cela tient peut-être en partie au manque de lisibilité du modèle économique des entreprises solidaires ». Et c’est notamment ce qui pousse l’association à étendre son label (111 placements à ce jour) aux structures financières solidaires -les intermédiaires qui financent les entreprises finales-, ce qui devrait aider les banquiers à mieux les identifier.
En aval, si la forte baisse de la rémunération des livrets de partage a, pour la première fois, entraîné un léger recul des dons aux associations et ONG (encore à 5,4 millions d’euros), les investissements dans les projets solidaires ont eux bien profité du boom de l’épargne solidaire : ils ont progressé de 34% passant de 379 à 507 millions d’euros entre 2008 et 2009. Ils ont servi en priorité à financer le logement (36%, ce qui a permis le logement de 2000 familles), les activités liées à l’environnement comme l’agriculture biologique ou les projets permettant des réductions de la consommation d’énergie (qui sont en très forte progression : 32% en 2009 contre 9% en 2008), l’insertion par l’emploi (26% et 26 000 emplois créés) et la solidarité nationale (6%). Des financements qui ne sont pas tout à faits en adéquation avec les attentes des Français en la matière si l’on en croit le sondage Ipsos réalisé en mars : ceux-ci y mettaient en effet en avant la nécessité de financer en grande priorité la lutte contre l’exclusion et la précarité (71 %), notamment grâce à l’insertion par l’emploi (48%). Et ce bien avant l’environnement (33%)…
Toutefois, avant d’en arriver là, encore faudrait-il qu’ils franchissent effectivement le pas…Cette année encore, le sondage d’Ipsos souligne une augmentation du nombre de Français – et particulièrement ceux du Sud-Ouest - qui affirment connaître la finance solidaire (50% contre 40 en 2010 et 13% en 2001). Et ils sont aussi de plus en plus nombreux (22%) à accepter un rendement financier moindre que celui des placements classiques. Mais si le « potentiel de développement est considérable », le fait est que l’épargne solidaire garde encore « une place modeste dans la collecte de l’épargne autant que dans les investissements », souligne Finansol.
Béatrice Héraud