Nullement touchée par la crise, Coopaname a réalisé 20 à 30% de chiffre d’affaires de plus en 2009. Cette structure originale part d'un concept simple : les membres de la coopérative créent eux-mêmes leur activité au sein d'une entreprise déjà existante. « Plutôt que de se lancer dans la création d’entreprise ou d'opter pour le statut d’auto-entrepreneur, ils créent leur emploi salarié dans une entreprise qu’ils partagent », explique Stéphane Veyer, directeur général de Coopaname. « Il n’y a pas de critères sélectifs, ajoute-t-il. La coopérative est ouverte à tous ceux qui souhaitent expérimenter cette forme d’entreprenariat salarié ».
Le concept est encore mal connu et surtout, mal compris, alors que de plus en plus de gens cherchent à créer une « petite entreprise ». « Aujourd’hui c’est un pari très risqué, souligne Stéphane Veyer. D’ailleurs, la majorité d’entre eux ne cherchent pas à devenir des chefs d’entreprise, ils cherchent surtout une autre forme de travail et de relations professionnelles. Le rapport au travail classique s’est beaucoup dégradé ». Pression sur les performances individuelles, management par le stress et chômage en hausse conduisent beaucoup de gens à vouloir devenir autonomes. « L’immense majorité des membres de la coopérative ont fui le marché du travail pour ces raisons », confirme Stéphane Veyer.
Mutualiser les risques
« L’intérêt premier de la coopérative, c’est qu’il n’y a pas de prise de risque. Les personnes n’ont pas besoin de faire d’emprunt, de mettre en gage leurs biens personnels, etc. Au pire, ils ne gagneront pas d’argent, mais ils n’en perdront pas en cas d’échec », explique le DG de Coopaname. Le risque est en effet mutualisé à l’échelle de la coopérative, permettant ainsi de couvrir les pertes éventuelles et de cesser son activité de façon plus souple que dans le cas d’une cessation classique. Ce statut permet également de conserver ses droits sociaux et ses allocations chômage, en attendant que l’activité se développe. Autre avantage du mode coopératif, l’appui aux projets, l’accompagnement et le suivi – répondre à des appels d’offres, construire une stratégie commerciale, ou bénéficier d’un appui technique. Les membres n’ont pas à s’occuper de comptabilité et de gestion administrative, ces services sont également mutualisés. Autant d’appuis qui évitent le découragement vécu par beaucoup d’entrepreneurs individuels, souvent démotivés par les contraintes fiscales, et administratives.
« Des sociétés de personnes, et non des sociétés de capitaux »
Aujourd’hui, un tiers des activités de Coopaname sont liées à l’artisanat et à la création (objets, vêtements, etc), un tiers aux services pour les particuliers (cours, services à domicile…) et un dernier tiers aux services pour les entreprises (consulting, informatique, traduction, etc). Des activités de courtage, d’import et de commerce constituent les 10% restants. Une participation à hauteur de 10% du chiffre d'affaires de chacun permet aux entrepreneurs salariés de Coopaname de couvrir les frais de fonctionnement de l'entreprise, une équipe de 8 personnes étant chargée de la gestion des dossiers. Les missions d’accompagnement, de formation et de suivi est assurée par une autre équipe de 8 personnes, constituée de professionnels de l’appui à la création d’activité, et rémunérés par des fonds publics.
Stéphane Veyer insiste également sur les relations professionnelles et humaines qu’offre ce mode de travail participatif. Des réunions régulières sont organisées pour permettre le partage d’expériences et d’informations, mais aussi partager des moments de convivialité pour favoriser les rencontres, et le cas échéant, la naissance de nouveaux projets entre « coopanamiens ». « Nous développons des sociétés de personnes, et non des sociétés de capitaux ! C’est une thématique très contemporaine, contrairement à l’image ringarde trop souvent répandue des coopératives ». La crise et le taux de chômage actuel pourraient en effet donner une nouvelle dimension à ces formes innovantes de travail… « Très souvent, l’innovation économique et sociale vient de ces groupes, poursuit Stéphane Veyer. Face à l’individualisation des performances et à l’isolement induit par la segmentation des tâches, l’entreprise- coopérative est un moyen de recréer du collectif et d’être économiquement plus efficace ».
Un moyen aussi de protéger ses membres des accidents de parcours professionnel et des exigences « d’employabilité » décrétées par un marché du travail de plus en plus fermé. La coopérative fonctionne sur les compétences et les savoir-faire de chacun, un membre pouvant très bien devenir le prestataire d’un autre, etc…Il peut aussi développer plusieurs activités, y compris dans des domaines très éloignés. Stéphane Veyer cite l’exemple d’un membre de 57 ans « non employable » selon les critères du marché de l’emploi, mais qui a pu pendant les 3 années qui lui restaient à travailler, gagner sa vie en étant à la fois « photographe, secrétaire de rédaction, traducteur franco-allemand, et importateur de vin grec… ».
Véronique Smée