Coup de froid entre l’Etat et les associations environnementales. Alors que la France va célébrer la semaine du développement durable à partir du 1er avril, la fondation Nicolas Hulot annonce qu’elle suspend sa participation au comité de suivi du Grenelle. Un coup de semonce qui répond au coup dur encaissé par l’association la semaine dernière : l’abandon de la taxe carbone qui faisait partie intégrante de son Pacte écologique, dûment signé à l’époque par le candidat à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, et avait été inscrite dans le Grenelle de l’environnement. Alors que la fondation avait déjà dû avaler la transformation de son idée de « contribution climat énergie », elle n’a pas supporté son report sine die.
Après trois ans de participation à de nombreux groupes de travail du gouvernement dont celui du comité de suivi du Grenelle - ce groupe se réunissait toutes les six semaines environs pour maintenir le dialogue entre l’Etat et les protagonistes du Grenelle en examinant les travaux du gouvernement sur ces questions-, la fondation « s’interroge sur l’efficacité du travail accompli ». Certes, il y eu des avancées concrètes reconnaît-elle : la création d’un n°2 du gouvernement en charge du développement durable, les conclusions du Grenelle de l’environnement et le vote à l’unanimité de la loi Grenelle 1. Mais ces derniers temps, le vent semble tourner : en plus de la suppression de la taxe carbone, il y a eu les déclarations du président de la République faites lors de la dernière édition du salon de l’Agriculture, un rapport très critique sur l’éolien, et la discussion sur la construction d’un 3ème EPR, rappelle une autre organisation environnementale, le WWF.
« Les évènements de ces derniers mois montrent que nous n’avons pas été compris », conclut Cécile Ostria, la présidente de la fondation qui regrette une conversion à l’écologie opportuniste. « Le développement durable n’est décidément pas l’axe structurant de l’ensemble des politiques publiques. C’est au mieux un axe parmi d’autres : l’économie, le social, l’agriculture, la culture. Au pire, un axe opposé aux autres. Le discours dominant redevient celui d’il y a plusieurs années : la réponse aux défis écologiques est de nouveau systématiquement opposé à la compétitivité économique et à la production d’emploi », écrit la fondation dans une lettre ouverte aux 750 000 Français signataires du Pacte écologique.
Quelle incidence sur le dialogue environnemental ?
Au-delà de la décision de la Fondation Nicolas Hulot asiste-t-on à un tournant plus global de la relation entre l’Etat et les associations environnementales ? Déjà, le Réseau action Climat, préoccupé par les derniers signaux envoyés par le gouvernement sur le Grenelle avouait vouloir davantage se tourner vers les collectivités territoriales pour penser un développement économique plus durable. Quant au WWF, il s’est très rapidement montré solidaire de la fondation en déclarant dans un communiqué qu’il s’agissait d’une « très mauvaise nouvelle pour le processus du Grenelle ». « Cette décision, en forme de coup de pied dans la fourmilière productiviste arrive à un moment opportun », ajoute son président Serge Orru. « Nous avons demandé au président de la République d'organiser une réunion avec les ONG parties prenantes du Grenelle pour confirmer réellement les engagements du Grenelle. Nous jugerons à partir de là des actions à mener ». Du côté de FNE (France Nature Environnement) qui regroupe 3000 associations, on se montre tout de même plus prudent. Si la fédération « comprend la décision de la FNH », elle se déclare « surprise » et n’entend pas faire de la taxe carbone « le grand arbre » qui cacherait « la forêt des autres chantiers ». Pour Christian Garnier, le vice président de FNE il n'est pas question de se « retirer des centaines de commissions où NOS associations siègent pour laisser le champ libre à toutes les pressions… »
Cécile Ostria rappelle cependant qu’elle décide pour l’instant de « suspendre » sa participation mais qu’elle pourrait tout à fait la reprendre « quand les décideurs politiques prendront des décisions structurantes ». En attendant la fondation va « réfléchir sur ses modes d’actions » et « consacrer plus de temps à l’échange direct avec les acteurs économiques et les citoyens ». Car pour Dominique Bourg, philosophe et membre du comité de veille écologique de la fondation, le dialogue et la participation de toutes les parties prenantes restent cependant essentiels pour l’émergence d’une vraie mutation environnementale. « La fondation doit ouvrir d’autres espaces de débats avec les acteurs, et en particulier les entreprises, les syndicats, les collectivités territoriales et les acteurs de la solidarité. Il nous faut mieux expliquer les enjeux pour gagner en efficacité ».
Ce dernier constat semble aussi partagé par le ministère de l’Ecologie. « La mutation écologique est une nécessité vitale, extrêmement difficile, qui exige la mobilisation de tous. C’est un combat qui rencontre nécessairement un certain nombre de difficultés », estiment le ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo et la secrétaire d’Etat Chantal Jouanno dans un long communiqué. Cependant, le ministre affirme qu’il rencontrera bientôt les responsables de la fondation. Il précise que le contexte difficile rend d’autant plus « urgent » le fait de « se concerter et d’éviter les simplifications excessives » et renvoie vers le Parlement et en particulier à l’Assemblée nationale qui doit examiner la loi Grenelle 2 en dernière lecture à partir du 6 mai prochain.
Béatrice Héraud