Vive déception au sein des associations environnementales et les défenseurs du thon rouge. Alors que plusieurs pays s’étaient récemment ralliés à la position de Monaco sur la nécessité d’inscrire celui-ci à l’annexe I de la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvage menacées, la conférence de la CITES qui s’est déroulée hier à Doha a rejeté cette proposition. Le commerce international, et surtout les exportations vers le Japon, principal consommateur de cette espèce menacée, pourront donc continuer sans entrave. En effet, même la proposition de l’Union européenne qui prévoyait un délai d’application n’a pas recueilli les suffrages. Le décompte des votes est sans appel ; la proposition de Monaco a été rejetée par 68 voix contre 20 favorables seulement et 30 abstentions auprès des 120 pays présents…
« C’est une funeste journée pour la biodiversité marine. Aujourd’hui, nous vivons un véritable tsunami d’inconsciences. En pleine année internationale de la biodiversité, qu’une espèce aussi emblématique que le thon rouge soit sacrifiée au profit d’intérêts économiques de court terme est une véritable honte », dénoncent la présidente du WWF France Isabelle Autissier et son directeur général, Serge Orru, dans un communiqué. Même sentiment chez Greenpeace, pour qui la CITES a « signé l’arrêt de mort du thon rouge ». Faire passer les intérêts à court terme de quelques Etats qui pratiquent un lobbying très actif, tels que le Japon, avant la préservation d’une espèce menacée (dont il reste aujourd’hui moins de 15% de la population d’origine), cruciale pour l’équilibre de l’écosystème méditerranéen est tout simplement inacceptable, estime l’association.
Un avenir peu engageant
Les négociations allaient pourtant bon train ces derniers jours, mais le matin, la Lybie avait plaidé pour une décision rapide, une démarche ensuite votée à la majorité en plénière alors que certains pays comme Monaco souhaitaient prendre le temps d’étudier les arguments scientifiques. Les associations reprochent également à l’Union européenne, qui ne s’est accordée sur une position que 3 jours avant le début de la conférence après des mois de tergiversations, de ne pas avoir tenu son rôle. « L’Union européenne, on le voit bien, était divisée (6 pays méditerranées avaient au départ refusé d’inscrire le thon à l’annexe I), et sa position finale n'était en rien convaincante. Après Copenhague, c’est de nouveau le signe de l’incapacité de l’Europe à être un acteur international efficace », se désole Serge Orru. Et « que dire d’une puissance européenne qui se veut forte mais qui, dans les négociations internationales, ne tient en rien sa position, et ne s’est d’évidence pas donné les moyens de se défendre ? », s’interroge le chargé de campagne océans de Greenpeace, François Chartier.
La proposition de l’UE, qui a certes convaincu plus de pays grâce au délai d’application, a seulement recueilli 43 voix favorables contre 72 voix contre et 20 abstentions. L’avenir de l’espèce est donc désormais entre les mains de l’ICCAT, la commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique qui réunit les pêcheurs. Mais pour le WWF, l’espoir d’un succès reste très mince : « C'est justement parce que l'ICCAT a failli dans sa mission depuis 40 ans, amenant le stock au bord de l'épuisement, que Monaco a décidé de proposer son inscription à la CITES », souligne l’ONG. De son côté, la France préfère se rabattre sur un plan B, moins disant : « La France est décidée à proposer à l’Union européenne de continuer ses efforts pour convaincre les Etats parties de la CITES d’agir en faveur de la protection de cette espèce via un classement en annexe II qui régule le commerce international des espèces menacées », précise le ministère de l’Ecologie. Béatrice Héraud