C’est la première fois, depuis douze ans (1998) et l’autorisation du MON 810, que la Commission européenne autorise la commercialisation d'un nouvel OGM. John Dalli, commissaire européen à la santé et à la politique des consommateurs, a annoncé le 2 mars deux décisions concernant la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora : cet OGM sera autorisé dans l'Union européenne pour un usage industriel (production de papier, béton, textile) et pour l’alimentation animale.
Les premières demandes d’autorisation déposées par le groupe BASF datent de 2003. La commission a également autorisé la mise sur le marché pour l'alimentation humaine et animale, de trois maïs OGM dérivés du MON 863, qui ont reçu un avis favorable de l’AESA (Agence européenne de sécurité des aliments). Au total, ces cinq autorisations d’OGM « ont été examinés avec la plus grande attention, de sorte que les préoccupations exprimées au sujet de la présence d'un gène marqueur de résistance aux antibiotiques ont été pleinement prises en compte », affirme la Commission. Enfin, John Dalli, présentera avant l’été un nouveau système d’autorisation des OGM. Ceux-ci pourront en effet, sur des bases scientifiques, être autorisés par les Etats membres qui le souhaitent.
Bilan : l’Europe autorise les OGM, mais ne les impose pas à ses 27 membres, qui conserveront leur souveraineté de décision. Y aura-t-il donc une Europe avec OGM et une Europe sans ? Le site Inf’OGM indique que d’ores et déjà , selon la Commission, « la culture de cette pomme de terre serait envisagée par BASF dès avril 2010, en République Tchèque et en Allemagne. Les années suivantes, elle pourrait avoir également lieu aux Pays-Bas et en Suède ». L’Autriche, en revanche, maintiendra sa position d’interdire les OGM sur son territoire.
L’expertise au cœur des polémiques
En France, le gouvernement a annoncé dans la foulée qu’il décidait de saisir le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) « notamment sur la présence, dans cette pomme de terre, d’un gène marqueur de résistance à un antibiotique ». Une inquiétude partagée également pour l’OMS, qui estime qu’il s’agit d’un antibiotique important en médecine devant être préservé en limitant la création de bactéries résistantes.
D’une façon plus générale, « la France souhaite qu’il n’y ait plus d’autorisation d’OGM sans le renforcement de l’expertise scientifique communautaire », comme cela avait d’ailleurs été décidé en 2008 par les ministres européens de l’environnement. Ce « renforcement de l’expertise » est depuis plusieurs années au cœur des polémiques sur les OGM. Les avis et le fonctionnement de l’AESA sont contestés par les ONG mais également par le Conseil européen des ministres de l’environnement. Considérée par certains comme pro-OGM, l’agence était censée procéder à d’importantes modifications dans son mode d’évaluation, mais au final, elle n’a pas changé ses méthodes depuis 2008.
« Puisque l'AESA n'a pas changé ses méthodes d'évaluation ni sa façon de fonctionner, nous ne voyons pas comment elle pourrait émettre des avis fondés scientifiquement, ni ne pouvons admettre que la Commission européenne puisse autoriser des produits dont l'innocuité n'est pas démontrée» estime Lylian Le Goff, co-responsable de la Mission Biotechnologies de FNE. L’association réitère les demandes exprimées par les ONG en 2008, à savoir une enquête parlementaire européenne sur le fonctionnement de l’AESA et la validité de ses avis.
Les écologistes, le parti socialiste, le Modem et le NPA ont également vivement critiqué la décision de Bruxelles, le PS ayant demandé au gouvernement "d'étendre le moratoire français sur le maïs Mon810 aux autres OGM".