Après avoir connu un démarrage chaotique, les objectifs de collecte fixés par l’Union européenne (4kg/hab/an) sont désormais atteints : en 2009, on comptabilisait ainsi 5,7 kilos de déchets électroniques (DEEE) collectés par habitant contre 2,5 kg en 2007, soit 371 000 tonnes en tout. C’est mieux, mais rapporté au 1,3 million de tonnes de DEEE produites chaque année en France, on atteint un taux de récupération de 28,5% seulement. Et nous sommes encore loin des performances de nos voisins européens, comme les pays scandinaves qui récupèrent 15kg/hab/an ou le Royaume-Uni qui ramasse 10kg/hab/an. 10 kilos, c’est « l’objectif ambitieux » que c’est fixé la France pour…2014. Mais pour arriver à récupérer ces 2,6 millions de tonnes, il va falloir mobiliser davantage une population adepte du stockage de ses appareils usagés.
Un système de collecte à améliorer
Symbole de la difficulté de cette collecte : le téléphone portable. Alors que 22 millions de nouvelles unités sont mises chaque année sur le marché, seules 800 000 sont collectés, tandis que près de 100 millions dormiraient dans nos tiroirs.... Pourquoi si peu de retours, notamment pour les petits appareils, alors que l’on compte désormais 18 600 points de collecte chez les distributeurs, 200 autres chez les acteurs de l’économie sociale et solidaire (Emmaüs ou Envie) et 3 400 dans les collectivités locales ? D’abord, du fait d’une communication encore insuffisante, mais qui devrait être boostée ces prochaines années par des actions conjointes des éco-organismes. Mais aussi du fait de la règle du « un pour un », soit un objet repris pour un acheté en magasin, qui « constitue un frein indiscutable à la réception de tous les déchets en magasin », notaient les auteurs d’un rapport interministériel très critique « TIC et développement durable » publié l’an dernier.
Pour augmenter les volumes repris par les magasins, qui ne comptent que pour 30% de la collecte, des points de ramassage en libre service, sans contrepartie d’achat, devraient donc être développés –sur la base du volontariat- dans la grande distribution. Un dispositif qu’Eco-systèmes, l’éco-organisme qui gère le volume de déchets le plus important, a déjà testé à plusieurs reprises et va développer ces prochaines années en partenariat avec les enseignes : « le lien entre les tonnages récupérés et ces opérations n’est pas forcément immédiat mais c’est une sensibilisation dans la durée ; en 2009 nos volumes de collecte ont augmenté de 15% dans la distribution, qui commence à intégrer cette culture », note Guillaume Duparay, responsable du développement de la collecte pour éco-systèmes.
Restera aussi à développer la filière des déchets professionnels (informatique, matériel médical ou distributeurs automatiques) où aucun système organisé n’a encore été mis en place. L’augmentation des volumes traités sur les deux filières sera donc un vrai challenge alors que l’Union européenne prévoit pour 2016 d’établir un objectif de collecte de 65% des équipements ménagers et professionnels mis sur le marché au cours des 2 années précédentes…
L’impact environnemental de la filière
« Nous risquons aussi un blocage aux alentours des 8 kilos collectés par habitant, souligne Guillaume Duparay, notamment du fait de l’importance des filières parallèles de recycleurs qui rachète les métaux ferreux par exemple ». Ainsi, en 2008, on avait observé un pic des pillages dans les déchetteries et les zones de stockage des magasins. Problème ; les déchets qui passent par cette filière, non seulement « ne créent pas d’emploi mais peuvent provoquer des catastrophes écologiques », prévient Guillaume Duparay. Car les déchets électroniques contiennent des éléments dangereux ou toxiques tels que le plomb des soudures et certains métaux des composants (voir encadré). En passant par la filière des éco-organismes, seule à même de garantir une traçabilité et un traitement approprié, ils ont en revanche un taux de réutilisation/recyclage et de valorisation compris entre 71 et 91% selon les catégories d’équipement. Mais le gouvernement veut encore améliorer ces performances en termes de ré-emploi (aujourd’hui de 11%), de dépollution, de traçabilité de la filière ou de rejets de gaz à effet de serre. Des études et la mise en place d’outils communs sont en cours. De son côté, éco-systèmes a déjà calculé que grâce au recyclage des 193 000 tonnes de déchets collectés entre janvier et septembre 2009, 113 000 tonnes de Co2 ont été économisées par rapport à la production de métaux issus de matière vierge et l’éco-organisme s’est engagé à réduire de 20% le volume de ses émissions liées au transport d’ici 2011.
Eco-conception
Mais c’est aussi en amont que les efforts sont à faire, notamment en termes d’éco-conception. Une démarche que l’Etat entend impulser avec la mise en place, dès le 1er juillet, d’une modulation de l’éco-contribution en fonction de l’impact environnemental du produit. Ainsi, une lampe alimentée par exclusivement par des LED verra son éco-contribution baisser de 20% quand un téléphone portable qui ne bénéficiera pas de chargeur universel (celui-ci n’existant pas pour le moment) verra la sienne augmenter de 100%. Pour le consommateur, qui paye cette taxe, cette « modulation » devrait être indolore, « de quelques centimes voire d’un ou deux euros pour des produits à plus de 500 € », insiste le ministère. Celui qui est visé est bien le producteur, qui dès 2011 ou 2013 devra réintégrer à sa charge ce surcoût. « Déjà, certains d’entre eux ont modifié leurs produits », assure Yannick Prebay, de la direction générale de prévention des risques. Car, si pour l’instant seules 6 catégories (réfrigérateurs, aspirateurs, ordinateurs portables, téléphones mobiles, téléviseurs et lampes) sont visées, celles-ci sont amenées à s’élargir et les critères à se durcir en fonction de l’évolution des pratiques.
Béatrice Héraud