L'accord conclu le 9 décembre 2009 entre 9 pays européens devrait définitivement faire passer l'exploitation des énergies renouvelables du niveau national au niveau européen, ce qui suppose une véritable cohésion politique entre les États concernés -la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, la Belgique, l'Irlande et le Luxembourg-.
Le projet est pour le moins ambitieux, puisqu'il s'agit de créer un méga réseau à travers terres et mers entre les différentes sources d'énergie renouvelables. Dans ce « supergrid » (ou super réseau électrique), les champs éoliens offshore des différents pays seraient connectés les uns aux autres, cette première immense toile devant elle-même être connectée à d'autres sources, comme les parcs solaires en Allemagne, les barrages hydro-électriques de Norvège etc., de telle sorte qu'une absence de vent ici pourrait être compensée par un vent fort ou encore par un bon ensoleillement ailleurs.
« L'idée n'est pas nouvelle, précise Jan van de Putte, spécialiste des énergies renouvelables chez Greenpeace Belgique. Déjà le Pentalateral Energy Forum de 2007, qui réunissait ministres de l'énergie et experts d'Allemagne, de Belgique, de France, du Luxembourg et des Pays-Bas était une initiative de concertation sur les infrastructures et sur l'intégration de cette énergie au marché d’ Europe du Nord-Ouest. » « Mais l'accord du 7 décembre 2009 entre les 9 pays a une valeur symbolique importante » admet-il, « et correspond à une vraie dynamique politique ». La Commission Européenne a déjà promis en décembre 2009 de débloquer 565 millions d’euros pour financer 9 projets offshore.
L'Europe semble donc se donner de nouveaux moyens pour atteindre son objectif de 20% d’énergie renouvelable d'ici 2020. Mais ce projet nécessite des ressources techniques et financières importantes : d'après un rapport publié en 2008 par Greenpeace, 6 200 km de câbles seraient nécessaires pour relier les parcs éoliens des 7 pays côtiers et le projet coûterait environ 30 milliards d'euros. Les modalités du financement, qui restent à définir, sont actuellement en discussion. Trois éléments doivent être pris en compte : les mécanismes de subventions de chaque pays, qui ne sont pas harmonisés, l'allocation des capacités de transport de l'énergie à chaque pays et enfin le financement lui même. Une question fondamentale, puisque le montage financier devrait servir de base à la politique à venir en la matière.
« Un choix politique »
L'étude publiée par Greenpeace prévoit que l'énergie produite par les parc éoliens offshore en Europe devrait atteindre 68,4 GW aux alentours de 2025 et 100 GW vers 2030. Cette source d'énergie se développe actuellement à une vitesse remarquable : « On prévoit une augmentation de ce type de production énergétique de près de 50% entre 2009 et 2011 » précise Jan van de Putte. « Tous les acteurs ont confiance et c'est maintenant que ça se passe » ajoute-t-il.
Il s'agit donc d'une véritable révolution énergétique, face à laquelle les pays qui ont conclu l'accord ne se trouvent pas à égalité. « La France, avec le choix du nucléaire, accuse un retard en ce qui concerne l'énergie renouvelable et la cogénération par rapport à l'Allemagne, par exemple, qui prévoit de fournir 50% de son électricité grâce aux éoliennes d'ici 2020 » déplore-t-il. Selon lui, le système français, en produisant environ 75% de son électricité en continu, ne laisse pas de place pour un modèle plus variable. Or, c'est bien à cette variabilité de la consommation que le projet entend répondre de manière efficace. En effet, la réalisation de ce « supergrid », en reliant différentes sources d'énergies, permet d'acquérir une précieuse indépendance par rapport à ces sources mêmes. Le projet ne s'arrête pas d'ailleurs aux portes de l'Europe. Il est en effet aussi question de se connecter aux futures centrales solaires d'Afrique, par exemple. « C'est un choix politique, commente Jan Van de Putte. Avec 100GW fournis par les éoliennes offshore, c'est 10% de la demande européenne qui est pourvue, ce qui correspond à la production d'une centaine de centrales au charbon… ».