L’objectif est plus qu’atteint: une augmentation de 15% du chiffre d’affaire par rapport à l’année précédente, 20% de nouveaux clients. Et ce, en temps de crise. Un an après l’ouverture du Real- Future Store ou « supermarché du futur », dans la petite ville de Tönisvorst, en Rhénanie du nord-Westphalie, les responsables du groupe Metro se montrent très satisfaits : « Notre bilan s’avère très positif. De récents sondages montrent que neuf clients sur dix sont satisfaits, voire très satisfaits avec le supermarché real,-Future Store », se réjouie Gerd Wolfram, membre de la direction du groupe Metro.
De quoi s’agit-il exactement ? D’une nouvelle structure de vente, qui se veut plus personnalisée et plus pratique grâce à la technologie RFID. Le sigle désigne une technologie d’identification par radiofréquence, ou « Radio Frequency Identification » en anglais. Elle se présente sous la forme d’une puce électronique, qui peut ne mesurer que quelques millimètres, dotée d’une antenne miniature. Appelée à remplacer éventuellement le code-barre, cette puce contient un numéro de série unique permettant l’identification et le suivi individuel de n’importe quel objet sur lequel on a appliqué cette puce. Fonctionnant par radiofréquence, les informations contenues sur la puce sont lisibles à distance par un lecteur RFID qui renvoie ensuite les données collectées vers une base de données gérée sur le web. Le tout, sans que le porteur de la puce RFID en soit nécessairement informé ou conscient.
« Puces espionnes »
Qui contrôle ces données ? Dans quel but ? Quid de l’impact sur la vie privée ? La législation actuelle permet-elle de contrer les dérives potentielles ? Ces « puces espionnes » suscitent un grand nombre de questions sans nécessairement obtenir de réponse. « N'importe qui, dès lors qu'il est muni d’un lecteur RFID peut lire à distance le contenu d'une de ces puces à l'insu de la personne. Or, si tous les objets peuvent être potentiellement étiquetés RFID, il sera alors possible de suivre chaque citoyen dans sa vie quotidienne », prévient Florian Glatzner, de l’organisation FoeBud, initiatrice des Big Brother Award en Allemagne.
L’industrie, tout particulièrement celle de distribution, se veut rassurante. Officiellement, les puces RFID collées sur les étiquettes peuvent être utilisées pour permettre un paiement sans contact grâce à des lecteurs situés aux caisses. Elles peuvent également servir dans les « rayonnages intelligents » afin de mieux gérer les stocks. Des étiquettes RFID peuvent aussi être incorporées dans les vêtements et chaussures afin de prévenir ou détecter les vols et contrefaçons. Gerd Wolfram, lui, insiste sur le fait que le groupe Metro utilise cette technologie à des fins purement logistiques : « Nous utilisons la technologie RFID dans près de 400 emplacements en Allemagne et en France pour la gestion des stocks afin d’améliorer l’efficacité du processus de logistique ». Le responsable pointe également la politique d’information du groupe auprès de ses clients sur la nouvelle technologie, ainsi que l’existence de « désactivateurs » des puces RFID à la sortie des caisses, « facilement opérables par nos clients ». Gerd Wolfram estime par ailleurs que la législation allemande et européenne encadrent suffisamment la technologie RFID pour éviter tout débordement.
Les consommateurs allmenands sceptiques
Le soin que prend Metro dans sa politique de communication s’explique par ses revers essuyés en 2004. Un an après l’ouverture du premier « Future Store » à Rheinberg, des représentants de FoeBud et Katherine Albrecht, célèbres outre-Atlantique après avoir dévoilé les dessous de la technologie RFID, participent à une visite guidée du supermarché. Une visite couronnée de succès pour les militants anti-RFID : le désactivateur alors en place ne fonctionnait qu’imparfaitement, l’information relative aux RFID était incomplète, voire quasi absente, et surtout, la carte de fidélité contenait une puce RFID. Il suffisait ainsi de comparer les listes d’achat avec le numéro de la carte, et un « profil client » des plus précis était ainsi établi - à l’insu du consommateur. L’affaire s’est révélée délicate pour Metro, l’opinion allemande s’étant montrée prompte à dénoncer cette intrusion technologique chez le citoyen-consommateur. « C’est le fruit de notre travail », se félicite Florian Glatzner. Il cite à cette occasion un récent sondage européen selon lequel les consommateurs allemands étaient de loin les plus nombreux à être sceptiques par rapport aux puces RFID. « Quoiqu’en dise l’industrie, il s’agit d’une technologie à très fort potentiel de surveillance », insiste-t-il.
Bilan : en plus de ses campagnes d’information et de protestation, l’organisation FoeBud a créée des outils anti-RFID. Le citoyen soucieux de protéger sa vie privée peut acquérir des détecteurs d’étiquettes RFID, des étuis pour passeports, cartes de paiement ou pass anéantissant les ondes radios.