Ces évolutions sont dues à la domination de plus en plus écrasante des investisseurs institutionnels qui détiennent 75 % des encours ISR français. Ce chiffre met en ligne le marché ISR français sur les autres grands marchés européens et illustre le fait que 2008 a été une année de conversion de grands acteurs qui sont venus rejoindre les pionniers comme le Fonds de Réserve des Retraites (FRR) et l’Etablissement de la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique (ERAFP). « La convergence de plusieurs phénomènes explique ce mouvement : la crise, le développement durable, le réchauffement climatique, les problèmes posés par les paradis fiscaux, les exigences de transparence » analyse Jean-Claude Guimiot, membre du bureau de l’AF2I, association qui regroupe les investisseurs institutionnels français. «Tous ces facteurs contribuent à faire prendre conscience aux acteurs financiers de la nécessité de tenir compte de leurs impacts indirects sur la société. »
La nature de l’ISR se transforme. Quasi-exclusivement composé de fonds actions au début de son développement dans les années 2000, il est aujourd’hui dominé par les produits de taux qui représentent plus de la moitié des encours. En 2008, les encours des obligations ont augmenté de 50 % et ceux des fonds monétaires ISR ont eux été multipliés par 4. Si la sélection d’obligations émises par des entreprises cotées évaluées sur des critères extra-financiers, semble facile à mettre en œuvre, celles émises par d’autres acteurs comme les Etats ou les organismes supra-nationaux posent des questions d’une toute autre nature. « J’avoue que je me demande si un investisseur comme moi peut décider qu’un Etat n’est pas responsable et ne pas intégrer d’obligations émises par lui pour ce genre de raisons » s’interroge Jean-Claude Guimiot. «Ceci dit les investisseurs institutionnels ne sont qu’au début de leurs réflexions sur ce type d’approche ».
Si l’ISR fait mieux que résister à la crise puisque les fonds étiquetés comme tels ont collecté 2 milliards d’euros en 2008, il se développe aussi par voie de conversion à l’ISR de fonds existants. C’est particulièrement vrai pour les fonds monétaires qui représentent la quasi-totalité des conversions dont le montant s’élève, en 2008, à 3,2 milliards d’euros (voir la note de travail de Novethic sur le sujet).
Reste une question, le marché ISR des investisseurs particuliers existe-t-il ? Il a tendance à se développer en ce qui concerne l’épargne salariale. Elle représente aujourd’hui 3,3 milliards d’euros et a augmenté de 31% entre 2007 et 2008. En revanche, les épargnants individuels détenteurs de fonds ISR sont loin d’être de plus en plus nombreux puisque seuls cette catégorie d’encours sont à la baisse. En perdant 13 % entre 2007 et 2008, ils retrouvent leur niveau de 2006. L’année en cours sera-t-elle celle de la conquête des investisseurs particuliers à grand renfort de campagnes marketing destinées à faire découvrir ce concept méconnu au sein des réseaux bancaires ? Quelques grands acteurs auraient ce type de projets pour la rentrée de septembre. A suivre donc.
Anne-Catherine Husson-Traore