Les marchés ont vécu une nouvelle semaine noire, sur fond de récession de grande ampleur et de craintes pour la santé des banques et des industries. A la Bourse de Paris, l'indice CAC 40 a clôturé une succession de cinq séances de baisse consécutive sur une perte hebdomadaire de 8,25 % à 2 750,55 points. Vendredi, l'indice vedette de la Bourse de Paris a enfoncé le plancher en séance atteint le 23 janvier, pour clôturer au plus bas depuis le 3 avril 2003.
A New York, l'indice Dow Jones se préparait vendredi à achever la semaine en repli de 6,2 %. Jeudi, Wall Street avait déjà clôturé en nette baisse, affectée par l'effondrement boursier des banques Citigroup et Bank of America, menacées de nationalisation : le Dow Jones avait terminé à 7 326 points, son plus bas niveau de clôture depuis octobre 2002.
Au-delà de la succession d'indicateurs statistiques préoccupants, les marchés doutent à nouveau de la pérennité du système bancaire mondial et s'alarment des risques de nationalisation bancaire dans un contexte économique très tourmenté.
En Europe, les annonces d'augmentation de capital de deux géants de l'industrie, Saint-Gobain et Lafarge, ont nourri les craintes du marché sur la capacité des sociétés à faire face à la crise. Pour les investisseurs, l'embellie pourrait venir des Etats-Unis, quand le plan de relance signé mardi par Barack Obama commencera à produire ses effets. Dans ce climat particulièrement sombre, le baril de brut américain continue d'évoluer sous les 40 dollars, malgré les réductions de production de l'Opep.
Les valeurs bancaires n'en finissent plus d'inquiéter. Société Générale Paribas a chuté en une semaine de 15,3 %, BNP Paribas de 11,8 % et Crédit Agricole de 11,5 %. Comme à New York, les investisseurs ont sévèrement attaqué le secteur en raison des doutes sur la capacité du plan de soutien américain à soutenir le système financier. Vendredi, les rumeurs d'une nationalisation de Citigroup et Bank of America ont accentué ce mouvement baissier.
Les banques françaises ont également pâti d'une étude de Moody's soulignant la forte exposition de la plupart d'entre elles à la dégradation des économies d'Europe de l'Est et notamment la Russie, en récession. Dans ce climat déprimé, le marché a fait peu de cas des profits de respectivement 2 et 3 milliards d'euros réalisés en 2008 par la Société Générale et BNP Paribas.
La situation des assureurs préoccupe tout autant les marchés. Axa a terminé la semaine sur un plongeon de 30,5 %. Vendredi, le titre a dévissé de 18,4 % à 8,28 euros et renoué avec ses niveaux de 1995, avec un plus bas à 8,27 euros. Le marché redoute une augmentation de capital du numéro deux mondial de l'assurance en Europe après une déclaration du groupe selon laquelle il demanderait à ses actionnaires l'autorisation d'émettre, si nécessaire, des actions de préférence. Axa, qui a accusé une chute de 83 % de son résultat net 2008 en raison de la dégradation des marchés financiers, a pourtant fermement démenti toute intention d'augmenter son capital.
Les analystes ont souligné que les assureurs étaient fortement exposés au risque crédit et aux pays d'Europe de l'Est. Standard & Poor's a révisé de «stable» à «négative» la perspective de la note d'endettement de l'assureur.
L'industrie de plus en plus affectée par la crise. Pour faire face à l'aggravation des conditions économiques, Lafarge et Saint-Gobain ont chacun annoncé vendredi une augmentation de capital de 1,5 milliard d'euros et de nouvelles mesures d'économies. Le cimentier avait préparé le marché à cette opération, contrairement à Saint-Gobain.
Conséquence, Saint-Gobain et Wendel, son premier actionnaire, ont trébuché respectivement de 15 % et 24,4 % vendredi pour achever la semaine sur une perte hebdomadaire de 18,8 % et 25,8 %. Le fabricant de matériaux a assuré n'avoir aucun problème de liquidité, justifiant son appel au marché par son souci «de préparer l'avenir».
En revanche, Lafarge a limité ses pertes à 2,4 % vendredi et à 10,4 % sur la semaine. La levée de fonds doit permettre au cimentier de rembourser par anticipation 2,6 milliards d'euros de dette liée à l'acquisition du groupe égyptien Orascom, faisant ainsi disparaître le covenant qui y était associé.
A contrario, les résultats en ligne avec les attentes et les perspectives confiantes d'Air Liquide ont permis au spécialiste des gaz industriels de justifier son statut de valeur défensive (+ 3,9 % sur la semaine).
Les médias ne sont pas épargnés par la récession. TF1 a plongé jeudi de 14,5 % (- 23,1 % sur la semaine) et entraîné avec lui son concurrent M6 (- 15 % sur la semaine) après avoir annoncé une prévision de chiffre d'affaires consolidé inférieure aux attentes. Evoquant un «contexte économique profondément perturbé», le groupe anticipe un recul de 9 % de son activité, soit trois fois plus que prévu par les analystes. Le marché de la publicité TV a mal commencé l'année.
Selon le bureau d'études Yacast, les recettes publicitaires brutes de TF1 ont reculé de 16 % en janvier et celles de M6 de 8 %. Pour Exane, ce repli lié à des prix plus faibles et des publicités moins nombreuses et plus courtes s'explique par l'ENVIRONNEMENT économique, mais également par l'attentisme des annonceurs qui s'interrogent sur l'impact de la nouvelle réglementation audiovisuelle sur le comportement des téléspectateurs.
(P-J.L)