Les marchés boursiers se sont nettement repliés, sous l'accumulation de mauvaises nouvelles sur le front économique et en provenance des entreprises. Aux Etats-Unis, l'indice Dow Jones s'apprêtait vendredi soir à terminer la semaine sur une perte de 3 % à 7 992 points, sous le seuil symbolique des 8 000 points. A Paris, l'indice CAC 40 a clôturé sur une perte hebdomadaire de 5,56 % à 2 849, 14 points, au terme de cinq séances consécutives de baisse.
Depuis le 6 janvier, l'indice vedette de la Bourse de Paris a abandonné plus de 16 % après une série de 12 replis en 13 séances. Vendredi, le CAC 40 a enfoncé ses plus bas du 21 novembre 2008 et touché 2 781,28 points, son plus bas niveau depuis début avril 2003. La chute des valeurs financières, l'ampleur de la récession et les prévisions pessimistes des entreprises sont les responsables de cette débâcle.
En annonçant lundi une perte de près de 30 milliards d'euros en 2008, Royal Bank of Scotland a précipité les banques dans l'oeil du cyclone, privant du même coup les marchés du plaisir de prendre part aux festivités relatives liées à l'investiture du président des Etats-Unis, Barack Obama.
La dégringolade des indices boursiers coîncide en effet avec les très mauvaises annonces en provenance du secteur bancaire. Comme le souligne Cardif AM, «les craintes ravivées sur la solidité du système bancaire ont contribué à relancer la dynamique baissière, après la rémission de fin d'année (mi-novembre/début janvier)».
Au-delà de la piteuse situation des banques, les investisseurs sont en train de réaliser l'ampleur de la récession actuelle. Aux Etats-Unis, le marché de l'emploi ne cesse de se dégrader, tandis que le secteur de la construction est à l'agonie. En Europe, la Grande-Bretagne est officiellement entrée en récession lors du quatrième trimestre 2008 et la zone euro n'est pas prête d'en sortir, comme le montre la série d'indicateurs économiques publiés durant la semaine. Tout aussi inquiétant : l'Asie est rattrapée par la crise. En 2008, l'économie chinoise a progressé de 9 %, ce qui constitue la plus faible croissance annuelle depuis 2001. Plusieurs économistes s'attendent désormais à ce que le PIB chinois n'augmente cette année que de 5 ou 6 %, ce qui serait sa plus faible hausse depuis 1990.
Sur le front des entreprises, la crise continue de faire des ravages dans de nombreux secteurs, à l'image de la première perte trimestrielle du géant de l'électronique Samsung, des 5 000 suppressions d'emplois de Microsoft ou encore de la chute de 44 % des profits de General Electric au quatrième trimestre.
Les valeurs financières ont grandement contribué à la chute du marché parisien. BNP Paribas a perdu plus de 26 % et Société Générale 14 %, alors que Crédit Agricole n'a cédé que 8,5 %. Mardi, la chute du cours de Bourse de BNP Paribas a contraint le groupe à démentir des rumeurs concernant un éventuel appel au marché. La direction a indiqué à cette occasion qu'elle touchera 2,55 milliards d'euros dans le cadre du versement de la nouvelle tranche de 10,5 milliards d'euros d'aide accordée aux banques. Par ailleurs, Société Générale a publié une prévision de résultat net part du groupe de 2 milliards d'euros en 2008. Au quatrième trimestre, le résultat net part du groupe estimé devrait être à l'équilibre, avec une bonne performance de sa banque de détail. Comme BNP Paribas, la Société Générale s'est déclarée favorable à la mise en place rapide du plan d'aide de l'Etat. Ces informations plutôt positives n'ont pas suffi à rassurer les investisseurs, inquiétés par de nouvelles renationalisations en Grande Bretagne.
Les cycliques toujours aussi malmenés. Air France-KLM a indiqué que le résultat d'exploitation du troisième trimestre (octobre/décembre 2008) devrait être négatif d'environ 200 millions d'euros. Pour l'exercice au 31 mars 2009, la compagnie aérienne a déclaré ne pas être en mesure, à ce stade, de se prononcer sur les prévisions de résultat d'exploitation qui ont circulé dans le marché. Ces propos ont déçu les marchés : Air France-KLM accuse une perte hebdomadaire de 25 %. Autre valeur du CAC 40 en forte baisse : Lafarge (- 19 %). UBS a dégradé sa recommandation sur le fabricant de matériaux de construction d'Achat à Neutre, avec un objectif de cours réduit de 65 à 45 euros. Le broker a souligné le risque important que le refinancement du groupe n'implique une dilution du bénéfice par action.
La crise rattrape certaines valeurs défensives. Rémy Cointreau a perdu 24 % en une semaine. Les analystes ne cachent pas leur inquiétude après l'avertissement sur résultats du groupe de spiritueux, qui table sur un résultat opérationnel courant à taux de change constants, en baisse d'environ 15 % pour son exercice 2008/2009. Goldman Sachs a réduit son objectif de cours de 30 à 22 euros, en maintenant sa recommandation Neutre. Le profit warning lancé par le groupe met en doute la capacité de rebond des spiritueux premium en temps de crise, a estimé le broker. Douche froide pour Ubisoft : le titre s'est enfoncé de 15 % vendredi après la légère révision à la baisse de ses objectifs pour l'exercice 2008/2009. Le réveil est d'autant plus douloureux que le fabricant de jeux vidéo s'était surtout distingué ces dernières années par le relèvement régulier de ses prévisions.
(P-J.L)