Quelques jours avant l’ouverture du sommet du G20 à Toronto, les attentes semblent moins importantes que lors des précédents sommets initiés depuis le début de la crise financière et notamment celui de Londres au mois d’avril 2009. En effet, au printemps dernier au plus haut de la crise financière, les grands argentiers du Monde s’étaient donnés pour objectif de juguler la crise financière et de réguler la finance internationale. Le compte rendu du sommet mentionnait notamment pour ce faire la nécessité de s’atteler au problème des paradis fiscaux. A l’issue du sommet des listes de juridictions avait été dressées par l’ocde distinguant les pays non coopératifs (liste noire) de ceux qui ne respectaient pas les nouvelles règles mais qui s’étaient engagés à le faire (liste grise). La publication de cette liste avait engendré de nombreuses polémiques liées au fait que la liste noire ne contenait que 4 juridictions à savoir le Costa Rica, le territoire malaisien de Labuan, les Philippines et l'Uruguay laissant de côté les grands centres off shore en Europe (Suisse, Luxembourg notamment), aux Etats-Unis (Etat du Delaware par exemple) et en Asie (Singapour par exemple). La nécessité pourtant posée de réguler la finance n’avait par ailleurs pas donné lieu à des annonces concrètes.
Les ONG pessimistes
Un an et demi après, les objectifs fixés à Londres restent toujours à l’ordre du jour, à cette différence près que la société civile ne croît plus en la capacité des gouvernements à faire progresser ces objectifs compte tenu des faibles résultats obtenus précédemment. « Nous n’attendons rien de constructif de ce G20, le gouvernement canadien a décidé qu’il ne souhaitait pas promouvoir l’instauration d’une taxe sur les banques qui est pourtant prônée à la fois par le Fonds Monétaire International (FMI), les Etats-Unis et l’Europe. Ce G20 ne devrait ainsi pas déboucher sur une recommandation générale en la matière. Il ne devrait pas y avoir non plus de nouvelles décisions en ce qui concerne les paradis fiscaux. Enfin, nous n’attendons pas non plus d’avancées en ce qui concerne la régulation financière. En particulier, la taxe sur les transactions financières , exigée par une vaste coalition internationale de syndicats, d'associations écologistes et citoyennes, se heurte à l'hostilité des USA et du Canada, et n'est que mollement demandée par l'Union européenne. Nous sommes donc plutôt pessimistes quant à l’issue du sommet », indique Thomas Coutrot, porte parole d’Attac. Par conséquent, un pré sommet appelé « Sommet des peuples » se réunira avant le G20 à Toronto réunissant différentes associations, ONG et syndicats pour débattre de ces questions. En France, une coalition formée de syndicats, d’ONG et d’associations a lancé un appel à la mobilisation afin que des mesures concrètes en faveur des réformes financières et de la lutte contre les paradis fiscaux soient prises. Elle se focalise sur la présidence française du G20 en 2011. « Nous allons mobiliser toutes nos énergies en vue de la présidence française du G20 afin d’obtenir des avancées sur la régulation financière internationale et sur la lutte contre les paradis fiscaux. Nous voulons à ce titre que soit intégrée la question des pays en développement dont une grande partie des revenus transitent par les paradis fiscaux au détriment des populations locales ».
Initiatives des gouvernements
Cependant, les perspectives en matière de régulation financière ne sont pas si sombres que cela. En Europe, la France et l’Allemagne viennent de faire une déclaration commune annonçant leur volonté de défendre de concert durant le G20 l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Si la possibilité qu’une telle taxe soit adoptée reste peu probable, il n’en demeure pas moins que la question sera posée. Par ailleurs, nombreux sont les Etats qui à titre individuel tentent de réformer leur système financier et de lutter contre les paradis fiscaux souhaitant ainsi à la fois résoudre leurs problèmes de financement et faire école. La lutte contre les paradis fiscaux sert en effet les gouvernements car elle a pour but d’augmenter les recettes fiscales dans un contexte où la dette des Etats explose. Ainsi, quelques jours avant le G20, les déclarations et les initiatives se multiplient, outre celle de la France et de l’Allemagne, la Grande-Bretagne a annoncé vouloir instaurer une taxe sur les banques dont le niveau est conditionné à l’obtention d’un accord international sur le sujet. Elle sera inférieure en l’absence d’un accord international afin de ne pas handicaper la compétitivité de la City, selon le nouveau gouvernement britannique. L’Italie a voté tout récemment un décret afin de contrôler les flux de capitaux et les échanges commerciaux en direction de Saint-Marin, une enclave indépendante logée en territoire italien. De l’autre coté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, le Sénat a voté au mois de Mai un projet de réforme des activités financières, ce texte doit encore faire l’objet de débat avant son adoption définitive, toutefois s’il prévoit la création d’un organisme de protection des consommateurs et l’abandon pour les banques de leurs activités de swap (ce qui correspond schématiquement à l’échange d’emprunts), de nombreuses mesures ont été abandonnées sous la pression de lobbies financiers. Mais il n’en demeure pas moins que toutes ces initiatives démontrent d’une volonté commune de renforcer progressivement la régulation financière, même si la mise en œuvre de ce changement semble beaucoup trop lente du point de vue des militants associatifs.
Sandra Sebag