Au terme de plus d’un mois de procès, le tribunal de New York qui jugeait une division américaine de Novartis, NPC, pour discrimination envers les femmes (voir article lié) est tombé. Et la facture est salée pour la firme pharmaceutique : reconnue coupable, elle doit verser 3,37 millions de dommages et intérêts aux 12 plaignantes qui ont témoigné mais aussi 250 millions de dollars de dommages et intérêts punitifs pour les 5 600 employées concernées par la class action.
Au siège américain de Novartis, où l’on continue de « croire que les allégations des plaignants étaient infondées », on se dit « déçu » par la décision du tribunal. La firme a d’ailleurs déjà annoncé qu’elle ferait appel. « Tout au long de notre histoire et, particulièrement dans la période de ce procès, NPC (Novartis, ndlr) a développé et mis en œuvre des politiques les plus exigeantes en ce qui concerne la diversité et l'inclusion pour le développement de nos employés », indique un porte –parole du groupe, rappelant les différentes distinctions reçues pour ses programmes de promotions des femmes dans les équipes de ventes. Pendant le procès, les témoins de Novartis ont de fait multiplié les déclarations sur le fait que l’entreprise pratiquait une « tolérance zéro » concernant les discriminations.
Pourtant, tout au long du procès justement, les témoins ont bien expliqué que les managers n’étaient ni rétrogradés ni renvoyés même dans le cas où il y avait des plaintes de discriminations, soulignent le cabinet Sanford Wittels & Heisler, qui défendait les plaignantes. Et les méthodes employées par la firme pharmaceutique se sont révélées plus que douteuses. Le procès a en effet mis en lumière que les employées femmes y bénéficient de plus faibles salaires, de moins de formation leur permettant de gravir les échelons, le tout dans un climat que l’on peut qualifier de sexiste.
Une culture d’entreprise jugée discriminante
« Ce jury nous aura appris que Novartis n’est pas un endroit où vous aimeriez que votre femme, votre mère, votre sœur ou votre fille travaille », a déclaré Kate Kimpel, l’une des avocates des plaignantes. « Novartis attend de ses employés de sexe féminin à faire plus que de simplement sortir et commercialiser ses médicaments - Novartis a une culture d'entreprise qui attend de ses représentantes qu’elles se prêtent aux avances sexuelles des médecins. Maintes et maintes fois, Novartis a détourné les yeux lorsque les représentantes se sont plaintes au sujet de ces pratiques inappropriées. Novartis a refusé de traiter ses employés de sexe féminin comme des professionnelles compétentes. », estime-t-elle dans un communiqué.
En Suisse, berceau de la troisième firme pharmaceutique mondiale, le procès a été largement relayé par les médias. Pour le journaliste du Temps, Willy Broder, il s’agit tout simplement d’« un procès de trop ». Dans un de ses éditos publié par le quotidien (1), il estime que les firmes pharmaceutiques étant rôdées aux procès pour défense des brevets, plaintes de patients ou marketing trop agressif, elles sont habituées à « verser des dizaines ou des centaines de millions de dollars en dommages et intérêts ou en procédures à l’amiable est finalement entré dans les mœurs de la branche, écrit-il. Mais la somme finale que devra payer Novartis pour avoir discriminé des déléguées médicales fera beaucoup plus de dégâts. L’image du groupe suisse a été mise à mal par des témoignages précis et accablants (…). C’est tout un système d’incitation à la vente que Novartis doit revoir ».
(1) Le Temps, mercredi 19 mai 2010
Béatrice Héraud