« L’acte de consommer saurait-il être l’unique garant de la qualité de vie ? Un consommateur doit-il nécessairement pouvoir acheter chaque année toujours plus ? » Le propos émane de Klaus Wiegandt, ancien président du comité directeur de Metro, le géant allemand de la distribution. A l’apogée d’une brillante carrière dans le secteur de la distribution, Klaus Wiegandt lâche tout pour créer en 1998 sa fondation, le « Forum pour la responsabilité » (« Forum für Verantwortung »). Il a alors 60 ans et entend « rembourser ce que la société lui a donné ». Selon le mensuel Manager Magazin, Klaus Wiegandt aurait injecté 2,3 millions d’euros issus de sa fortune personnelle.
Usant de son réseau d’influence, il fit alors appel à des scientifiques de renom pour lancer une collection d’ouvrages destinés à expliquer et propager les principes du développement durable. La collection comprend 12 titres, disponibles en allemand et en anglais, dont le prix se situe juste en–dessous de la barre des 10 euros. La contribution financière de Wiegandt permet en effet de rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre possible. Le parti-pris des livres s’inscrit dans une démarche pédagogique choisie par l’ex grand patron, qui est lui-même devenu en une dizaine d’années un interlocuteur privilégié des médias, intervenant lors de congrès et conférences. Parallèlement, sa fondation organise des séminaires de formation pour les enseignants et les dirigeants d’entreprises.
Le juste prix écologique
« Nous avons actuellement les mauvaises conditions pour asseoir notre croissance », expliquait-il lors d’un récent colloque à Francfort. « La politique des prix pratiqués actuellement est erronée. Elle ne reflète en rien ni l’exploitation des ressources naturelles ni les dépenses en énergie nécessaires à la production. C’est la société qui doit prendre en charge les coûts environnementaux ». Ses discours ne manquent pas de surprendre venant d’un ancien grand patron qui a lui-même appliqué les principes de gestion traditionnels. Alors pourquoi ce revirement ? « Comme tous les dirigeants d’entreprise, je devais faire face au dilemme de satisfaire les actionnaires avant tout ". Et l'ancien dirigeant de plaider pour la "stakehoder value", c'est à dire la prise en compte non seulement des intérêts financiers, mais aussi de ceux des parties prenantes. Un processus qui selon lui devrait être instauré par le législateur, « les codes volontaires n’étant de fait jamais vraiment respectés », commente-t-il. Klaus Wiegandt appelle aussi à la mobilisation des consommateurs et à leurs responsabilités. « Il faut convaincre chaque individu de la nécessité d’agir. Et cela, nous ne pouvons l’obtenir qu'avec un travail intense de pédagogie. Il faut changer de paradigme ».
Claire Stam à Francfort