La rumeur courrait depuis quelques jours…Après s’être faite retoquée en décembre par le Conseil Constitutionnel puis avoir été programmée pour le 1er juillet, la taxe carbone, l’une des mesures qui s’annonçait comme phare dans le programme écologique de Nicolas Sarkozy, est finalement abandonnée. Sa mise en place ne pourra se faire qu’au niveau européen a en effet déclaré le Premier ministre, François Fillon, lors d’une réunion de députés UMP à l’Assemblée nationale. Une décision qui intervient deux jours seulement après les résultats des élections régionales où le mouvement Europe Ecologie s’est pourtant imposé comme la troisième force politique du pays… « Il s’agit d’un très mauvais signal adressé aux électeurs français. Nous avons l’impression que Nicolas Sarkozy veut ainsi reconquérir son électorat de droite qui a déserté l’isoloir, qu’il est en train de leur dire que l’on ne fera plus rien sur l’environnement », s’insurge Benoît Hartmann, chargé de mission climat/énergie à France Nature environnement.
Le patronat soulagé
Quasiment dès l’annonce de François Fillon en effet, le patronat s’est empressé d’envoyer un communiqué où il se réjouit que « la demande du Medef a été clairement entendue ». « Nous sommes soulagés, notamment pour toute l'industrie qui n'aurait pas supporté ce nouveau handicap de compétitivité. Tout au long des nombreuses réunions avec les ministères concernés, nous avons su convaincre », a ainsi déclaré sa présidente, Laurence Parisot. C’est en effet l’argument de la compétitivité des entreprises françaises -qui seraient pénalisées par une taxe carbone mise en place uniquement en France- que le Premier ministre met aujourd’hui en avant, pour expliquer qu’il est en fait préférable d’attendre une décision européenne sur la question. La discussion est bien évoquée pour 2013 mais elle reste encore hypothétique –voire improbable- tant les dissensions entre les membres restent importantes. Tout comme sur une taxe carbone aux frontières de l’UE. « De toute façon, à cette échéance-là, on sera en dehors des clous pour atteindre nos objectifs européens sur le climat…Et comment la France qui se déclarait comme proactive sur le sujet, fera force de moteur ? », souligne Benoît Hartmann.
Un retour en arrière que ne manque pas non plus de souligner le Réseau action Climat, qui regroupe les principales ONG environnementales françaises. « Entre la frénésie pro-environnementale des premiers mois de votre mandat et le déni qui caractérise votre politique actuelle, il ne s'est écoulé que trois ans. Que nous réservez-vous pour demain ? L'abandon du Grenelle ou de ce qu'il en reste ? », écrit le réseau dans une lettre ouverte au Président de la République. « Toutes ces questions d’environnement, ça commence à bien faire… », avait en effet déclaré Nicolas Sarkozy lors de sa visite au salon de l’agriculture.
La fin de toute fiscalité écologique ?
Au ministère de l’Ecologie cependant, où Jean-Louis Borloo s’était beaucoup investi sur le sujet, la pilule semble avoir du mal à passer. « Je ne suis pas en phase avec cette décision. Je suis désespérée de ce recul, désespérée que ce soit l’écolo-scepticisme qui l’emporte », a ainsi confié à l’AFP la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Chantal Jouanno.
Certes, la taxe carbone telle qu’elle devait être mise en place enthousiasmait peu les écologistes, car nettement moins ambitieuse que la « contribution climat énergie » qu’ils appelaient de leurs vœux (voir articles liés). « La taxe Sarkozy carbone ne remplissait pas les critères nécessaires pour être juste socialement, efficace économiquement et performante énergétiquementé " rappellent ainsi les Verts. "Le projet, enterré ce jour par Nicolas Sarkozy, ne sera pas regretté par les écologistes. Mais cet abandon en rase campagne est navrant car il condamne durablement toute tentative d’utiliser la fiscalité écologique. »
Béatrice Héraud