Dans le grand Nord, les compagnies pétrolières et minières sont de plus en plus présentes et leurs appétits grandissent, au fur et à mesure que s’approche l’échéance où la banquise fondra complètement l’été, permettant l’exploitation des ressources considérables de l’Arctique. C’est dans ce contexte que les populations autochtones - qui représentent environ 10% des quatre millions d’habitants de la zone polaire- Inuits, Nenets, Samis, réclament de plus en plus à être prises en compte. Ainsi, leurs représentants protestent actuellement car ils ne sont pas invités à un sommet politique fin mars qui réunira au Canada les cinq pays riverains de l’Arctique pour discuter des questions de développement économique et de protection de l’environnement.
Attentes à l'égard du pétrole
Mais leur approche, que ce soit avec les Etats ou les compagnies, est souvent ambiguë car elle est partagée entre le souci de se protéger et celui de se développer. « Les pêcheurs ont une approche plus pragmatique quand il y a un conflit, note Ottar Minsaas, conseiller pour les affaires publiques chez Total Norvège. Avec les autochtones c’est différent. Certains de leurs leaders veulent à tout prix maintenir leur type de société comme cela a toujours été et s’opposent au progrès ».
Ce n’est pas le cas de tous. Au Groenland, un territoire aujourd’hui danois mais doté d’une large autonomie, les Inuits aspirent à l’indépendance et espèrent que la découverte de pétrole pourrait leur permettre de réaliser leur rêve. « Les gens au pouvoir au Groenland sont ceux qui étaient les plus radicaux dans les années 1970, constatait Oran Young, un spécialiste américain de l’Arctique, lors du quatrième sommet Arctic Frontiers qui s’est tenu fin janvier à Tromsø en Norvège. Ce sont eux qui aujourd’hui négocient avec les compagnies pétrolières. Sachant les effets du pétrole sur le réchauffement, c’est un peu passer un contrat avec le diable ».
« Les industriels ont de plus en plus confiance en eux dans leur approche, remarque Neil Hamilton, un consultant australien ancien responsable du programme arctique du WWF. Il y a quelques années, seule la compagnie norvégienne Statoil se serait permise de tenir ce genre de discours pour dire ‘nous sommes responsables, nous connaissons notre boulot’. Ce qui est nouveau, c’est que les autres compagnies aussi adoptent ce langage ».
Compensations financières
Robert Blaauw, conseiller de Shell, estime ainsi que la coopération avec les populations indigènes est fructueuse. « Nous employons des conseillers autochtones pour nous représenter et nous assurer que nos projets tiennent compte des exigences locales », a-t-il expliqué. Mais l’analyse peut être diamétralement opposée : « Exxon a exclu les principaux leaders autochtones de ses discussions et passé un accord avec d’autres. Ils divisent pour mieux régner, constate David Gordon, directeur de Pacific Environment, une ong américaine active en Alaska et à Sakhaline. Les compagnies sont prêtes à payer des compensations et à financer des programmes culturels ou sociaux pour éviter les discussions, étendu entendu que dans leur approche, si vous acceptez la compensation, vous renoncez à vous plaindre de ces projets ». Ambigüité toujours : en Russie, les Nenets voient leurs zones de pâturages parcourues de pipelines mais ils ont gagné en reconnaissance. Idem en Laponie, surtout en Norvège, où les Samis sont mieux associés aux décisions des projets industriels qui contribuent à menacer l’élevage de rennes.
Olivier Truc