Alors qu’en France, le gouvernement retravaille sa loi sur la taxe carbone pour la rendre acceptable par le Conseil constitutionnel (voir article lié) -et peut-être aussi par les Français, qui ne seraient que 34% à la soutenir* -, Nicolas Sarkozy affirme ne pas baisser les bras et réitère même sa proposition de mettre en place une taxe carbone aux frontières de l’Union Européenne (voir article lié). « Je me battrai pour que l’Europe se dote d’une taxe carbone aux frontières », a-t-il ainsi déclaré le 6 janvier dernier, dans ses vœux adressés aux forces économiques depuis Cholet. Pour autant, le chef de l’Etat paraît bien seul à mener la bataille car s’il est soutenu par Angela Merkel, la chancelière est à peu près son seul soutien de poids dans l’Union. Et, même en Allemagne, celle-ci fait débat : le ministre de l’environnement, Norbert Röttgen, s’est ainsi déjà prononcé en défaveur d’une telle fiscalité…Certes, après l’échec du sommet de Copenhague, la Suède qui présidait l’Union – et qui soutient une taxe carbone à l’intérieur de la Communauté- s’était montré plus ouverte à la question, mais lors de son audition d’avant prise de fonctions, le 11 janvier 2010, Karel De Gucht, le commissaire européen désigné pour les questions commerciales, s’est dit opposé à une taxe aux frontières.
Taxe carbone contre marché des quotas ?
En France, le débat sur une taxe carbone généralisée à l’ensemble des pays de l’Union a toutefois rebondi en ce début d’année suite aux déclarations de Michel Rocard dans le journal Les Echos, le 6 janvier dernier. Dans un entretien accordé au quotidien économique, celui qui présidait la commission des experts sur la taxe carbone hexagonale s’est carrément prononcé en faveur d’une suppression du marché des quotas CO2 au profit d’une taxe carbone européenne. « Mon avis de citoyen, dans le contexte d’échec des négociations de Copenhague, est qu’il faut en profiter pour supprimer le système de marché de quotas européen et le remplacer par une taxe carbone générale, appliquée à l’ensemble des pays européens », explique t-il alors, arguant du fait qu’il est difficile de faire cohabiter deux systèmes dissuasifs différents – une taxe fixe à 17 € par exemple et un marché des quotas par essence variable -, pour contraindre les acteurs économiques à baisser leurs émissions de CO2. Selon lui, une telle taxe règlerait « d’un coup l’ensemble des problèmes d’équité fiscale », garantirait l’effet dissuasif (que l’allocation des quotas pour l’instant gratuite et les variations de prix du marché carbone ont quelque peu émoussé…) et donnerait de la prévisibilité aux opérateurs économiques.
La proposition est décortiquée quelques jours plus tard par le président de la commission du développement durable du Medef dans un entretien au Monde*. Jean-Pierre Clamadieu, y rejette la proposition radicale de Michel Rocard et se prononce plutôt en faveur d’une cohabitation des deux systèmes : « le système des quotas d’émissions est le seul outil existant à l’échelle de l’Europe, et il fonctionne. (…) Cela étant, il y a de la place, à côte du marché qui traite seulement de la situation des gros émetteurs, pour une approche communautaire de la fiscalité des émissions diffuses dans le transport, l’agriculture, le bâtiment… ». L’idée d’une taxe carbone cette fois-ci appliquée aux frontières de l’Union européenne lui inspire, en revanche, plus de doutes. Si « conceptuellement », il s’agit d’une bonne idée, elle reste « difficile à mettre en œuvre » et « le risque serait qu’elle déclenche une guerre commerciale dont personne ne sortirait gagnant », déclare-t-il au quotidien du soir.
En effet, si la Chine, principal pays visé par une telle fiscalité, est actuellement en train d’étudier la possibilité de mettre en place une taxe carbone nationale, elle combat farouchement (et par ce biais même) l’instauration d’une taxe carbone mise en place unilatéralement par les pays développés sur les produits importés…dont elle serait la première victime.
* sondage BVA pour la Tribune publié le 12 janvier 2010.
*Le Medef favorable à une taxe carbone européenne, Le Monde daté du 12 janvier 2010