« Nous avons travaillé beaucoup et longtemps sur ce dossier scandaleux » explique Fabrice Rémon de Deminor. « C’était très compliqué : un tiers des actionnaires que nous représentons n’ont pas Internet ! Ce sont des gens qui n’ont jamais été amenés à saisir la justice, qui ont perdu des petites sommes, 2000 à 3000 euros, mais c’étaient toutes leurs économies et elles étaient auparavant placées dans des livrets d’épargne ! » Fabrice Rémon estime que l’affaire Natixis doit servir d’exemple et que la responsabilité d’une organisation de défense des actionnaires comme la sienne est d’obtenir réparation pour les victimes d’une stratégie de commercialisation qu’il estime ahurissante. « J’ai des témoignages de gens qui ont été démarchés jusqu’à leur domicile. Les clients recevaient des appels, des SMS, des incitations de tous ordres.»
Cette campagne intensive de recrutement de petits actionnaires a commencé avec l’entrée en bourse de Natixis, fin 2006. Trois ans après, les dirigeants du groupe qui réunit les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne de l’époque ont été débarqués, le groupe rebaptisé BPCE, mais les petits actionnaires attendent toujours réparation (voir articles liés). Fabrice Rémon espère inciter le groupe Natixis à négocier pour éviter un procès. Il a choisi l’action au civil devant le tribunal de commerce pour accélérer le processus, puisque l’affaire pourrait être examinée avant l’été.
Contactée, Natixis reste laconique. La banque d’investissement du groupe BPCE confirme avoir reçu l’assignation et ne souhaite faire aucun commentaire, pour l’instant.
Pendant que Natixis réfléchit à sa stratégie, les dommages médiatiques continuent. L’action de Déminor n’est pas isolée. Colette Neuville, la présidente de l’ADAM (Association de Défense des Actionnaires Minoritaires), a intenté une action au pénal pour le compte d’une centaine d’actionnaires pour information trompeuse. Dans l’émission qu’Arte a consacré à cette affaire, en octobre 2009, elle évoquait le « massacre des innocents » . Elle citait les témoignages de tous ces clients incités à souscrire un « placement de père de famille » sans qu’il soit fait mention des risques liés à l’activité de banque d’investissement de Natixis, qui s’est avérée très fortement exposée aux subprimes dès 2007. Sur l’année 2008, les pertes de Natixis ont dépassé les 5 milliards d’euros. Le reportage d’Arte mettait en exergue un homme, convaincu par la chargée de clientèle de sa banque de mettre l’intégralité d’un héritage de 100 000 euros, soit toute sa fortune, dans Natixis. Il a perdu 90 % de cette somme et précisait, calmement, qu’il attendait de son médecin qu’il le soigne et de son banquier qu’il lui « donne des conseils avisés, pas empoisonnés ! »