"La France est un pays inexistant pour les clean tech". Pour David Dornbush, le président du réseau Clean Tuesday, le constat est implacable. Et amer. "Nous avons près de 10 ans de retard sur l’Allemagne et 4 ans sur la Californie !" reprend-il. De fait, la situation tranche sérieusement avec les propos enthousiastes du Ministre de l’Ecologie, qui martèle régulièrement que la croissance verte sera au cœur du redémarrage de l’économie…Dans les énergies renouvelables par exemple, les français sont dramatiquement en retard, laissant le champ libre aux entreprises étrangères.
Les freins sont multiples. Il semble d’abord qu’il y ait un problème de marché. Les centaines de start-up françaises du secteur peinent en effet à s’imposer dans les appels d’offre. Ainsi, selon une étude européenne réalisée par Webershandwick*, alors que plus de 8 acheteurs européens sur 10 jugent que le caractère écologique des produits ou services achetés est important, en France, ils sont « seulement » 67%. Moins de la moitié des sociétés françaises mesurent d’ailleurs la qualification écologique de leurs fournisseurs, alors que 83% des entreprises allemandes ou espagnoles le font ! Les start-up se trouvent souvent confrontées à des « plafonds budgétaires ou à des négociations très longues avec les entreprises », confirme Angel Talamona, gérant et co-fondateur de Senda, spécialisée dans les logiciels de simplification des voyages urbains. Selon l’étude, 51% des acheteurs interrogés évoquent en effet le coût comme principal frein à l’adoption de technologies propres.
Coté public, les collectivités locales ne jouent pas suffisamment leur rôle, selon David Dornbush : « il est très difficile dans leurs appels d’offre d’introduire de l’innovation, à part pour quelques collectivités comme celle du Grand Lyon par exemple – qui déclare faire des clean tech une « priorité en matière de développement économique, ndlr - Pourtant, il y existe un énorme potentiel, ne serait ce que dans la rénovation énergétique des bâtiments… »
Un manque d’investissement
Autre frein, celui des fonds apportés pour l’amorçage de l’activité. Quand les Américains réussissent à lever rapidement des millions de dollars, il semble difficile pour les Français de lever des sommes aussi importantes. Et « il y a sans doute un problème de temporalité, souligne Randolph Toom, le directeur de Heat2power, une start-up spécialisée dans l’optimisation des moteurs à combustion. Les industriels veulent investir sur 3/5 ans seulement alors que dans ce secteur, qui touche à la question du changement climatique, il faut penser sur du long terme, à 30 ou 40 ans ! » Sans parler de la pertinence des investissements : « il y a des modes, comme celle de l’hydrogène par exemple qui n’ont, au final, rien donné », reprend Randolph Toom. Des mauvaises stratégies qui peuvent venir du manque d’information et surtout de « bonnes informations » distillées sur les clean tech, selon les acteurs du secteur.
Certaines grosses entreprises commencent tout de même à créer des fonds d’investissement pour développer le marché des technologies propres. C’est notamment le cas de la SNCF qui a créé l’an dernier le fonds « Eco-mobilité partenaires ». Doté de 15 millions d’euros, il investit aujourd’hui dans quatre start-up (à hauteur de 1 à 2 millions pour chacune) censées pouvoir offrir une application directe et testable pour l’entreprise de chemin de fer. « Nos moyens ne sont pas énormes mais le fonds marque tout de même une rupture : c’est le premier « corporate venture fund » européen dédié à l’éco-mobilité et il provient d’une entreprise publique ! », souligne Fabienne Herlaut présidente du fonds.
Visiblement, les start-up attendent également des coups de pouce règlementaires, en plus des outils déjà mis en place par l’Etat (mesures issues du Grenelle, l’organisme d’aide au financement des PME Oseo ou subventions notamment). « On peut par exemple imaginer une taxe foncière différenciée pour les propriétaires de bâtiments énergétiquement efficaces et les autres », propose Randolph Toom. A voir. En tous cas, pour David Dornbush, « il est encore possible de développer le secteur mais il faut s’y mettre rapidement sinon nous allons vers un vide industriel… », prédit-il.
*étude « Come Clean » réalisée entre avril et septembre 2009 auprès de 400 responsables achats de grandes organisations publiques ou privées sur les marchés britannique, allemand, français et espagnol.