« Changer notre façon d’investir est non négociable », martèle John Oliphant, le directeur de l’investissement du GEPF, le fonds de pension des employés de la fonction publique sud-africain, un des 15 plus grand fonds de pension publics mondiaux, lors de la session plénière la plus animée de la conférence : "Investissement responsable : illusion ou réalité ?" Il s’explique : « Notre organisation a compris l’importance de la lutte contre le changement climatique quand nous avons commencé à étudier en détail son impact sur l’inflation des prix de la nourriture. Nos bénéficiaires dépensent déjà plus de 70% de leur économie dans l’alimentation, si nous continuons à ne rien faire contre le changement climatique, leurs retraites déjà modestes parviendront à peine à couvrir leur besoins en nourriture ». Et ajoute-t-il, « en qualité de fond de pension, cela équivaut à échec complet de notre mission, c'est-à-dire, assurer une fin de vie décente à nos bénéficiaires. Et donc agir pour l’intérêt à long terme de nos membres».
Changer de paradigme
Pas toujours aussi ouvertement activiste que John Oliphant , mais galvanisés par l’imminence de Copenhague et par la conviction que la crise financière démontre la nécessité de transformer le système financier mondial, les orateurs de la conférence en ont tous appelé à un changement de paradigme qui mettrait les principes du développement durable au cœur du système, et non plus à sa périphérie. Pavan Sukdhev, le leader de la « Green Economy Initiative » lancée par le PNUE,* a insisté ainsi longuement lors d’une séance plénière comble, sur la nécessité de mobiliser le pouvoir économique et politique autour d’un investissement massif dans le secteur des énergies propres et les infrastructures naturelles comme les forêts ou la terre. "Recentrer les efforts d’investissement du public et du privé sur ces secteurs est la condition sine qua non d’une croissance réelle pour le 21eme siècle", a-t-il rappelé, "connectée à la lutte contre le changement climatique et au boom de l’emploi vert."
Après les grandes séances plénière du matin, les ateliers de travail de l’après midi ont été l’occasion de décliner le thème du « changement de paradigme » sur un éventail varié de sous-secteurs financiers comme l’assurance, l’investissement responsable, le microcrédit ou encore la finance carbone. Ces ateliers sont aussi l’occasion pour l’Initiative Finance du PNUE de lancer différents rapports téléchargeables en ligne comme celui sur l’assurance « L’état mondial de l’assurance durable : Comprendre et intégrer les facteurs ESG dans l’assurance » ou celui sur les Mécanismes de Développement Propre en Afrique Sub-saharienne.
Nord et Sud
Organisé pour la première fois en Afrique, la conférence a mis un point d’honneur à avoir des orateurs prestigieux provenant des pays émergents comme Renge Li, le président de la Banque Industrielle de Chine. Ce dernier fait dans un style « martial » une démonstration complète de la façon dont sa banque met systématiquement le développement durable au cœur de sa stratégie par la création de multiples divisions développement durable dans tous ses cœurs de métiers et par la création de prêts favorables à la transition environnementale. En comparaison, le discours de bonnes intentions pour les générations futures de la Ministre de l’Energie Sud-africaine, Elizabeth Dipuo Peters, qui réaffirme paradoxalement et sans équivoque la volonté du gouvernement sud-africain d’exploiter les ressources en charbon du pays, paraît un peu pale et fait grincer quelques dents dans la salle. Chez le Ministre des Finances sud-africain, le pragmatisme est aussi de rigueur : l’Afrique du Sud est prête à prendre sa part de responsabilité lors des négociations de Copenhague mais attend un investissement financier conséquent et un authentique transfert de technologies de la part des acteurs politiques, financiers et industriels du monde développé. « Nous n’y arriverons pas sans votre aide », conclut-il en plaisantant. « J’espère d’ailleurs que votre séjour au Cap sera l’occasion de dépenser abondamment vos devises dans notre beau pays! », a-t-il même ironisé.
Rendez-vous dans deux ans
L’industrie financière sera-t-elle vraiment capable de changer et mettre au cœur de son projet le développement durable et non plus le seul profit financier à court terme pour quelques privilégiés ? Rendez-vous en 2011 à l’assemblée de l’Initiative Finance du PNUE qui se tiendra à Washington DC, Etats-Unis, pour voir si, entre autres, le « Green Deal » est devenu une réalité. Et si les fonds de pensions publics ont véritablement révolutionné les pratiques de l’industrie financière, de même que la Finance Carbone, à travers les MDP et les transferts de technologie aura réellement commencé à inverser la donne climatique en Afrique.
*Pavan Sukdhev est notamment chargé d’un rapport sur les aspects économiques et financiers des services rendus par la biodiversité et les éco-systèmes.