« Tour le monde s’accorde sur l’objet de la taxe carbone – ou plutôt de la taxe anti-carbone –, qui est de taxer les carburants et combustibles en fonction de leur facteur d’émission en dioxyde de carbone », a rappelé Philippe Vigier, député Nouveau Centre (par ailleurs biologiste de formation), devant l’Assemblée nationale. « Or le président de la République a très clairement indiqué que les énergies renouvelables ne supporteraient pas cette taxe. En effet, comme le stipule le protocole de Kyoto, le facteur d’émission des biocarburants issus de la biomasse est égal à zéro, n’en déplaise à certains. L’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ndlr) a, du reste, publié un très bon rapport sur ce sujet ».
Pour lui, « la combustion de biocarburant ne doit donc pas donner lieu à paiement de la taxe carbone. Il convient en conséquence de réduire d’autant la fiscalité des carburants à hauteur de leur contenu en biocarburant ». Une opinion appuyée par Jérôme Cahuzac, vice-président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale chargé des finances : « Contrairement à la combustion d’énergies fossiles, la combustion de biocarburants n’augmente pas la teneur en CO2 de l’atmosphère, puisque la même quantité de CO2 aurait de toute façon été émise, de façon différée ».
Mais Gilles Carrez (UMP), rapporteur général de la commission des finances, n’a pas été convaincu : « La taxe carbone vise à orienter les comportements de manière à limiter les émissions de carbone. Il serait donc paradoxal d’en exonérer les biocarburants, qui émettent également du CO2, même si c’est en moindre quantité que les matières fossiles ». Soutenue, au nom du gouvernement, par Eric Woerth, ministre du Budget, cette position l’emportera finalement à l’Assemblée. La taxe carbone concernera donc aussi les agrocarburants en 2010.
« Incohérent et sans fondement »
L’AGPB (Association générale des producteurs de blé), l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs), la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves), et la FOP (Fédération des producteurs d'Oléo-Protéagineux) ont aussitôt réagi : dans un communiqué commun, elles se disent « scandalisées de ces décisions qui conduisent à pénaliser une énergie 100 % renouvelable, et à ce jour, la seule solution de masse immédiatement disponible pour réduire les émissions de CO2 des transports automobiles ». Sans compter que les députés ont aussi choisi « d’augmenter la fiscalité du bioéthanol et du biodiesel, ce qui revient à plus taxer le bioéthanol que l’essence ».
Les organisations syndicales fustigent des décisions « injustifiables, déraisonnables », « incohérentes et sans fondement », qui « vont à l’encontre de la politique volontariste du gouvernement en faveur de l’environnement », du rapport de l’Ademe « mettant en avant l’excellent bilan énergétique et environnemental des biocarburants », et des directives européennes sur les énergies renouvelables.
« Les biocarburants sont une des contributions majeures de l’agriculture à la lutte contre le réchauffement climatique. C’est aussi un élément important de la relance de l’économie par la croissance verte », font-elles valoir. Et d’ajouter : « La France, premier producteur de biocarburants dans l’Union européenne, se doit de poursuivre son développement pour asseoir son leadership ». Elles appellent enfin le chef de l’Etat à prendre les mesures qui s’imposent.