Greenpeace explique qu'elle a pris connaissance de plusieurs éléments du dossier d'instruction et d'autres révélés par Mediapart. Pour l'ONG ciblé par cette affaire d'espionnage ordonné par EDF, ces pratiques remonteraient à 2004 et impliqueraient toutes sortes d'opérations de surveillance, physiques comme informatiques. Selon les révélations de ce dossier, EDF se serait intéressé aux activités de Greenpeace au Royaume-Uni, en Belgique et en Espagne.
Devant l'extrême gravité de ces nouveaux éléments, Greenpeace demande à Jean-Louis Borloo, ministre de tutelle d'EDF, de suspendre son PDG, Pïerre Gadonneix, et de mettre en place une commission indépendante d'évaluation de l'industrie nucléaire en France. Pour Greenpeace, « le gouvernement français se doit de remettre à plat un système énergétique qui appelle naturellement à de telles dérives ». Partie civile dans cette affaire, Greenpace rappelle qu'il a été auditionné hier après-midi par le juge d'instruction Cassuto à Nanterre.
« Appui opérationnel… »
Greenpace précise qu'au moins deux contrats ont été signés entre EDF et Kargus Consultants en 2004 puis en 2007 portant sur des missions à l'année « d'appui opérationnel à la veille stratégique sur les modes d'action des organisations écologistes ». Pour l'ONG, il est clair que cet « appui opérationnel » impliquait des rapports réguliers par Kargus à EDF sur les activités de Greenpeace issus de la surveillance rapprochée voire de l'infiltration de l'activité de l'association.
En 2004, la prestation de Kargus pour ce travail aurait été facturée plus de 13 000 euros par mois, soit plus de 120 000 euros au total. Il apparaitrait également qu'EDF était bien au courant, voire prescriptrice des opérations illégales de pénétration informatique. Des mois après le hacking de septembre 2006, tout au long de l'année 2007, l'opérateur d'électricité aurait continué de bénéficier de l'appui de Kargus Consultants.
Pas de confiance
« Ces contrats sont-ils les seuls ? » s'interroge Pascal Husting, directeur de Greenpeace France. « EDF a-t-elle recours avant 2004, entre-temps ou encore aujourd'hui à Kargus ou à d'autres officines pour surveiller l'activité des organisations écologistes ? Comment peut-on faire confiance à une entreprise publique qui consacre une partie de ses ressources à faire espionner ses détracteurs par des barbouzes ? Greenpeace se bat pour ouvrir le débat sur le nucléaire en France, EDF manigance et espionne pour le fermer ! »
Selon les révélations de certains éléments du dossier d'instruction, EDF se serait intéressé de près aux activités des bureaux de Greenpeace dans différentes pays européennes, Royaume-Uni, Espagne et Belgique, des pays dans lesquels EDF a de grandes ambitions commerciales. Les autres bureaux de Greenpeace en Europe étudient la possibilité de se joindre à la procédure légale en France.
Responsabilité du patron d'EDF
Greenpeace attend maintenant que la responsabilité d'EDF et de sa hiérarchie soit entièrement établie. « De deux choses l'une, observe Pascal Husting. Ou bien M. Gadonneix n'était pas au courant de ces pratiques, ce qui serait très inquiétant, ou bien, comme c'est le plus probable, il l'était et c'est alors tout à fait inadmissible ! Dans les deux cas, on se demande ce qu'il fait à un poste d'une telle responsabilité ! »
« Si les choses étaient vraies, dans quel pays vivrait-on ? » se demandait le 31 mars, lors de l'explosion de cette affaire, M. Borloo, ministre de l'ENVIRONNEMENT et ministre de tutelle d'EDF, remarque Frédéric Marillier, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France. Pour Greenpeace, « La réponse tombe sous le sens : on vit au pays du tout nucléaire, au pays où EDF et Areva sont rois, au pays ou le Président de la République, M. Sarkozy, peut décider sur un simple coup de tête, sans la moindre consultation ni expertise économique, de la création d'un 2e réacteur EPR, au pays ou les intérêts d'EDF et d'Areva guident ceux du gouvernement ! »
Commission indépendante d'évaluation
Greenpeace demande à EDF de rendre public tous les contrats de « veille stratégique » passés et actuels à l'encontre de ses détracteurs. Greenpeace demande à Jean-Louis Borloo de suspendre de ses fonctions le PDG d'EDF. Greenpeace demande au gouvernement français de mettre en place une commission démocratique indépendante d'évaluation de l'industrie nucléaire en France. Une remise en cause du système énergétique qui appelle naturellement à de telles dérives s'impose.