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Discussion : Grèce : la BCE prête à la restructuration, sous conditions...

Posté le 14.06.2011 à 18:20

Par Mr.philippe


C'était aujourd'hui jour de messe à la Banque de France. Le gouverneur, Christian Noyer présentait ce matin à la presse le traditionnel rapport annuel, remis au Président de la République, en observation des lois de la République. Comme d'habitude, donc, le Gouverneur a fait la leçon au Prince, sous les ors de la magnifique Galerie dorée de l'Hôtel de la Vrillière, une cérémonie qui rappelle fort le " droit de remontrance " qu'exerçaient les cours souveraines à l'attention du Roi.

Ainsi, il n'y a pas de " crise monétaire", mais une " crise des dettes souveraines ". Ce qui signifie en clair: M. le Président, débrouillez-vous pour réduire les déficits, nous, les banquiers centraux, n'y sommes pour rien.

Ce n'est que lors des réponses aux questions des journalistes que Christian Noyer, qui siège ès qualité au conseil de la BCE, a évoqué la Grèce, confrontée à la dégradation de sa note par Standard & Poor's, qui a ramené les obligations de l'Etat grec à la note CCC, soit l'avant dernier cran avant la " pourritude " absolue.

Surprise, le gouverneur a ouvert la porte à une forme de restructuration de la dette grecque, concept que jusqu'alors la BCE rejetait avec force, en évoquant les " Brady Bond 's", du nom du secrétaire au Trésor de George Bush senior, qui avait organisé dans les années 1980 l'échange des obligations pourries mexicaines contre des emprunts garantis, avec une décote.

" C'est une voie à explorer ", admet le gouverneur de la Banque centrale devant les journalistes. A l'entendre, la BCE ne ferait plus obstacle à la restructuration de la dette (un " hair cut ") pour défendre le bilan de banques privées, car elle se dit désormais convaincue que les banques privées européennes peuvent encaisser le coût d'un " hair cut " (réduction de la valeur faciale des emprunts). " Notre seule préoccupation, c'est le financement de l'économie grecque, explique Christian Noyer. Nous voulons éviter tout ce qui apparaitrait comme une déclaration de défaut, car dans ce cas, nous serions amenés à ne plus accepter ces obligations en collatéral des emprunts que nous apporteraient en garantie les banques grecques ". Dans ce cas, les banques grecques, privées de liquidités fournies par la BCE seraient incapables de financer l'économie grecque (en prêtant aux entreprises et aux ménages).

Mais le gouverneur admet qu'en cas d'échange des obligations d'Etat contre d'autres, bénéficiant de la garantie du fonds de stabilité de l'euro (donc des grands pays européens), la BCE accepterait volontiers ces nouveaux " collatéraux ". La banque centrale ne ferait aucun obstacle à une opération de ce type, pour peu que les pays membres prennent leurs responsabilités, ce qui signifie une processus lourd de négociation, puis de ratification par les Parlements. Mais, en apparence, la " solution Brady " rapprocherait les positions de Paris (qui veut éviter le défaut) et de Berlin (qui veut faire payer les banques privées, et pas seulement les contribuables).

Il y a environ 350 milliards d'euros de dette publique grecque en circulation, dont 110 déjà prêtés par les Etats. Il faudrait donc se préparer à échanger jusqu'à 240 milliards de " greek bonds ". Pour donner une idée, on peut se livrer à un calcul de coin de table : avec une réduction (hair cut) de 50% de " la valeur faciale, et au cas où tous les créanciers apporteraient volontairement leurs vieux emprunts en échange de nouveaux, cela produirait une baisse de 120 milliards d'euros des créances. Il resterait 230 milliards d'euros de dette publique. La Grèce retrouverait un rapport dette/ PIB proche des 100% (contre 150% aujourd'hui), avec en plus des intérêts à servir proches de ceux pratiqués par la France et l'Allemagne, grâce à la garantie du FESF, noté 3A.

La BCE elle-même serait mise à contribution, puisqu'elle a dans ses comptes de 50 à 75 milliards d'euros d'obligations grecques. Mais elle peut assumer la perte, celle-ci sera ensuite transmise aux banques centrales des pays membres. Ces dernières pourront alors verser un dividende moins élevé aux Etats membres, pour compenser la perte.

Pour le moment, il s'agit encore de science fiction (mais pas plus que les plans sur la comète de ceux qui projettent une sortie de l'Euro). Les ministres des finances européens se réunissent ce soir à Bruxelles, pour préparer une décision qui ne sera rendue publique que le 20 juin.

PS : Dans le rapport de la Banque de France, on trouvera une alerte bienvenue sur la bulle immobilière en France, qui " crée un risque pour la stabilité financière si un réajustement brutal devait intervenir dans l'avenir ".

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