La révision de la croissance de l'économie française que l'on disait imminente est susceptible d'attendre quelques jours encore, le temps pour l'Elysée et le gouvernement de savourer l'accord sur le sauvetage de la zone euro arraché jeudi à l'aube à Bruxelles.
Nicolas Sarkozy pourrait temporiser lors de son grand oral de jeudi soir, diffusé simultanément sur TF1 et France 2. L'idée serait d'éviter de brouiller, par une mauvaise nouvelle, un message qui se veut avant tout "pédagogique" et tentera de faire valoir les acquis du sommet.
"Rien n'est encore tranché", assurait-on toutefois encore jeudi matin de source gouvernementale alors que La Tribune croit savoir que le président de la République, a défaut de lâcher un chiffre, pourrait se contenter d'esquisser une "direction".
Quoi qu'il en soit, une révision est inéluctable et s'annonce significative alors que l'économie réelle "commence à être atteinte" par l'onde de choc de la crise financière, comme l'a déploré jeudi Laurence Parisot, présidente du Medef.
Plus personne ne table sur la prévision officielle, encore fixée à 1,75% en 2012 et qui pourrait être révisée autour de 1%, dans le sillage de l'Allemagne. Le "consensus des économistes" tourne autour de 0,8 ou 0,9%.
Le chômage a grimpé en flèche en septembre. Il frappe désormais près de 2,8 millions de personnes qui sont privées de toute activité, un chiffre sans précédent depuis janvier 2000.
Dans une tentative manifeste de faire baisser la pression, la ministre du Budget et porte-parole du gouvernement Valérie Pécresse a laissé entendre mercredi que la France pourrait temporiser quelques temps encore.
Sa prévision de croissance, a-t-elle expliqué, serait assise sur la "vision plus claire, plus stabilisée" apportée par le sommet de Bruxelles mais aussi sur les indicateurs économiques attendus dans les prochains jours. Une allusion transparente à la première estimation de la croissance au troisième trimestre 2011 que l'Insee publiera le 15 novembre.
Le gouvernement pourra-t-il patienter jusque-là? Rien n'est moins sûr. Passé l'euphorie du sommet de Bruxelles, la pression des agences de notation et des marchés risque de revenir au galop. De toute façon, reconnaît-on de source gouvernementale, des indications sur la croissance au troisième trimestre sont déjà disponibles.
L'objectif "intangible" du gouvernement étant de tenir ces engagements de réduction des déficits (4,5% du PIB en 2012), un nouveau plan d'austérité est inévitable. Il en va de la sauvergarde du "triple A" de la France, "trésor national" selon l'expression d'Alain Minc, économiste et éminence grise de Nicolas Sarkozy.
Sur la base d'une croissance ramenée à 1%, les économies ou les recettes fiscales supplémentaires devraient atteindre 5 à 10 milliards d'euros, selon les estimations.
Caduque avant même d'avoir été définitivement adopté au parlement, le budget 2012 va donc devoir être revu et corrigé.
Le concours Lépine de la discipline est ouvert. Des députés UMP ont dégainé les premiers, suggérant un nouveau taux intermédiaire de TVA, entre les 5,5% et les 19,6% d'aujourd'hui. "Sur ce point, rien n'est décidé", assure-t-on encore jeudi dans l'entourage de Valérie Pécresse. Mais rien n'est donc exclu.
Idem pour l'impôt sur les sociétés qui pourrait être alourdi. "C'est une piste qui toucherait essentiellement les grands groupes", dit-on à Bercy.