Pressés par le monde entier de stopper la contagion de la crise de la dette, les dirigeants européens se réunissent dimanche à Bruxelles pour un sommet jugé crucial par la France, sous la menace d'une agence de notation, alors que l'Allemagne tempère les attentes.
"Si on ne réussit pas dimanche, l'Europe sera en très grand risque", a averti mardi le Premier ministre français François Fillon, dont le pays tremble désormais pour son "triple A", notation d'excellence sur les marchés, depuis la mise en garde de Moody's.
"Le destin de l'Europe se joue dans les jours qui viennent", a renchéri Nicolas Sarkozy.
Depuis le début des turbulences fin 2009 en Grèce, l'incendie n'a cessé de se propager dans la zone euro, menaçant la monnaie commune mais aussi l'économie mondiale. Souvent divisés sur la marche à suivre, les responsables européens n'ont le plus souvent fait que colmater les brèches sans apporter de réponse convaincante.
Après de multiples rendez-vous manqués - les décisions prises lors d'un précédent sommet le 21 juillet ne sont toujours pas en place - ils espèrent cette fois opérer un tournant.
La fin de semaine sera dense à Bruxelles, avec en préambule au sommet des réunions des ministres des Finances de la zone euro, vendredi, puis de toute l'Union européenne, samedi.
"Il faut, un, se mettre d'accord sur le niveau de restructuration de la dette grecque, deux, donner au Fonds de stabilité européen un effet de levier puissant pour décourager les attaques contre les autres pays, en particulier l'Italie, trois (procéder) à une recapitalisation des banques", a résumé M. Fillon en plantant le décor.
Les pays du G20, qui se réuniront début novembre à Cannes en France au plus haut niveau, attendent des résultats.
Un sentiment d'urgence partagé à la Commission européenne, qui "souhaite apporter une réponse concrète le plus tôt possible" pour résoudre le problème de la dette.
Ces propos volontaristes contrastent avec des déclarations beaucoup plus prudentes en provenance d'Allemagne: la chancelière Angela Merkel "a prévenu que les rêves de voir la crise terminée dès lundi ne pourront pas se réaliser", selon un porte-parole.
Reste que le sommet pourra difficilement se clore sans annonce un tant soit peu concrète. Sinon, la réaction des marchés financiers lundi risque d'être brutale. "Tout le monde est conscient qu'il faut aboutir à des résultats", dit une source proche du dossier.
La Grèce ne peut plus gérer ses quelque 350 milliards d'euros de dette. La proportion de remboursement à laquelle ses créanciers privés vont devoir renoncer est l'un sujets prioritaires du sommet. Il pourrait être tranché même dès vendredi, selon une source européenne.
Dans le détail, le chiffre de 21% de "décote" décidé le 21 juillet pourrait être porté à un niveau proche de 50%. Mais il faut parvenir à une solution négociée avec les banques, qui pour l'heure se font prier.
Le niveau de recapitalisation nécessaire aux banques pour absorber ce choc et le risque de défaut de paiement grec est un autre sujet-clé de discussion.
L'UE préconise de relever le ratio de fonds propres "durs" des établissements bancaires - le matelas de réserves minimum - à 9%, mais il se pourrait qu'aucun volume global des montants nécessaires à la recapitalisation ne soit fixé à l'issue du week-end, selon la source européenne interrogée par l'AFP.
Sur ce point aussi, les résistances sont fortes. Pour le président de la banque Santander, Emilio Botin, une recapitalisation forcée n'aurait "aucun sens" et nourrirait l'incertitude sur les marchés.
Quant à une recapitalisation sur fonds publics, elle pourrait se heurter au refus de la France, de plus en plus inquiète de perdre son précieux "triple A" qui lui permet d'emprunter à moindre coût sur les marchés.
Troisième axe des discussions à Bruxelles: le renforcement de la capacité d'action du Fonds de secours de l'euro (FESF), via un "effet de levier", pour empêcher une contagion de la crise de la dette à l'Italie et l'Espagne.
L'idée désormais privilégiée consisterait à démultiplier l'action du Fonds en faisant en sorte qu'il accorde non plus des prêts mais des garanties aux détenteurs de dette de pays fragiles. Une capacité d'intervention totale de plus de 1.500 à 2.500 milliards d'euros est évoquée, contre une enveloppe de 440 milliards aujourd'hui.
La crise de l'euro a également renforcé, paradoxalement, l'urgence d'une intégration plus poussée du pilotage de la zone euro, un sujet qui devrait aussi être abordé.
Paris et Berlin souhaitent renforcer l'Union monétaire avec des sommets de ses dirigeants deux fois par an sous la houlette de Herman Van Rompuy, qui préside déjà ceux de toute l'Union européenne. L'idée inquiète la Commission européenne, qui redoute d'être marginalisée.
De leur côté, les Néerlandais proposent de renforcer la discipline budgétaire en créant un poste de "super commissaire européen" chargé du dossier. La Banque centrale européenne parle même à terme d'un ministre européen des Finances.