Poussée par l'Allemagne et Bruxelles, passés à l'offensive sur la nécessité de recapitaliser les banques, la France se dit désormais favorable à une opération coordonnée au niveau européen, mais des débats pourraient encore l'opposer à Berlin sur le rôle des Etats.
"Nous sommes d'accord avec l'Allemagne sur le fait qu'il faut plus de capital dans les banques, y compris françaises", ne serait-ce que pour satisfaire aux nouvelles normes internationales, a déclaré à l'AFP le ministère des Finances.
Dans ce cadre, a-t-on ajouté à Bercy, "il est essentiel qu'il y ait une coordination européenne pour déterminer trois choses: le volume de capital à atteindre, l'échéance à laquelle ce capital doit être atteint, et les outils pour cela".
Ces déclarations, à deux jours d'un sommet entre la chancelière Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy, viennent rompre le silence de la France, jusque-là beaucoup plus discrète que Berlin et la Commission européenne, qui ont appelé cette semaine à accélérer la recapitalisation des banques du Vieux Continent.
Malgré la tempête traversée depuis l'été par les valeurs bancaires sur les marchés, Paris martelait que les établissements français resteraient solides même en cas de faillite de la Grèce. Au-delà d'une communication différente -- "Merkel parle beaucoup, alors que Sarkozy se tait" sur le sujet, relève un diplomate européen --, la France risquait de paraître en désaccord avec l'Allemagne.
"Il n'y a aucune divergence franco-allemande", a finalement réagi le ministère des Finances. Les deux pays dont d'accord sur le fait que "les sources de capitalisation doivent d'abord être privées" et que des injections de capitaux publics ne doivent intervenir qu'en "dernier ressort".
La ligne française avait déjà évolué ces dernières semaines.
"On voit bien que le marché demande que ce soit plus rapide", note-t-on de source diplomatique au sujet de la mise en oeuvre des normes internationales de Bâle III, qui prévoient un renforcement des fonds propres des banques, et que les grande banques françaises ont déjà prévu d'accélérer.
C'est la principale concession faite par la France: s'il faudra, in fine, recapitaliser des banques, ce n'est pas parce qu'elles en ont besoin, c'est pour ramener la confiance chez les investisseurs.
"De fait, les banques sont soumises à la pression des marchés", admet un haut responsable français. Et pour cause, les établissements français sont les plus exposés en Europe au risque de défaut de la Grèce ou de l'Italie.
Pour autant, le haut responsable prévient que "si la pression est trop forte pour augmenter trop rapidement les fonds propres, ça peut conduire à des pressions sur le bilan des banques et avoir un impact sur le financement de l'économie et donc sur la croissance".
Si la position française se précise, Bercy refuse toutefois de dire si les banques françaises auront, in fine, besoin de capitaux publics.
C'est d'ailleurs sur le recours aux fonds publics que le débat européen semble loin d'être tranché. Le ministère botte en touche: "il existe plusieurs options", "mais nous n'en avons pas encore discuté au niveau européen".
Parmi ces options figurent la réactivation des mécanismes mis en place en 2008 par les Etats pour venir en aide aux banques, d'éventuelles prises de participations publiques, mais aussi des prêts du Fonds européen de stabilité financière (FESF).
Jusqu'ici, la France n'a pas caché sa préférence pour un recours aux financements communautaires, via le FESF, là où de l'argent public serait nécessaire. Mais Berlin et Bruxelles ont clairement dit que ce fonds de secours ne devait être sollicité qu'en tout dernier recours, seulement par les Etats dans l'incapacité d'intervenir.
A cette divergence s'ajoute un sentiment d'urgence moins marqué à Paris qu'Outre-Rhin. La question des banques "doit faire partie d'un plan d'ensemble" pour stabiliser la zone euro, insiste-t-on à Bercy.