
Les banques espagnoles devront désormais assumer les pertes éventuelles d'argent public liées à leur restructuration, a décidé jeudi le gouvernement, refusant de mettre en danger son déficit, alors qu'au niveau européen, une nouvelle recapitalisation du secteur se précise.
"La restructuration du secteur financier doit être financée par le secteur financier", a affirmé la ministre de l'Economie Elena Salgado, "et ne doit pas supposer de coût pour le contribuable ni augmenter le déficit public de l'Espagne".
Pour le gouvernement socialiste, qui a bouclé la semaine dernière le vaste processus de restructuration du secteur financier entamé en 2009, la facture publique est déjà assez lourde.
Lors de la première phase, en 2009-2010, il a versé quelque 10 milliards d'euros, sous forme de prêts pouvant durer jusqu'à cinq ans.
Pour la seconde étape, initiée en avril, ce sont 7,551 milliards d'aides publiques qui ont été injectés dans quatre caisses d'épargne, via une nationalisation, là encore pour une durée maximale de cinq ans.
Le bilan est positif: le nombre de caisses, maillon faible du secteur espagnol, est passé de 45 à 15 grâce aux fusions, tandis que la grande majorité d'entre elles sont devenues des banques, mieux gérées et capitalisées.
Le gouvernement songe désormais à récupérer son argent, mais il pourrait y perdre beaucoup.

Rien que la Caja Mediterraneo (CAM), placée sous tutelle fin juillet et que la Banque d'Espagne veut revendre d'ici la fin de l'année, a affiché une perte de 1,113 milliard pour le premier semestre et son portefeuille immobilier de 20 milliards pourrait voir sa valeur fondre, car les ventes sont sinistrées.
Un nouveau fonds de garantie des dépôts, financé par les banques, sera donc créé en fusionnant les trois fonds déjà existants, avec un "patrimoine conjoint de 6,593 milliards d'euros".
Ce fonds "apportera, à partir de maintenant, une garantie au Frob (Fonds de soutien au secteur bancaire) pour les pertes nettes potentielles qui pourraient intervenir dans le processus de restructuration du système financier", a indiqué Mme Salgado.
En clair, si la CAM, par exemple, "se vend pour un prix inférieur à l'apport (de fonds publics) effectué" (2,8 milliards d'euros, plus une ligne de crédit de 3 milliards), à charge pour le fonds de garantie des banques de régler la différence.
En ligne de mire, la réduction du déficit public, que Madrid a comme objectif prioritaire, aux yeux des marchés et des autorités européennes: après 9,24% du PIB en 2010, le gouvernement vise 6% à la fin de cette année, "un objectif auquel il est impossible de renoncer", a-t-elle insisté.
La réforme sera adoptée par un décret-loi et n'a donc pas besoin de l'aval du Parlement, qui a été dissous fin septembre en prévision des élections législatives anticipées, le 20 novembre.
Toutes les banques, même les plus saines (l'Espagne abrite notamment le numéro un en zone euro par capitalisation, Santander), devront participer à cet effort, car "la réforme du secteur financier a un caractère systémique et bénéficie à l'ensemble du secteur", a justifié Mme Salgado.
De quoi irriter l'Association espagnole des banques (AEB), qui a salué dans un communiqué cette "mesure logique" mais regretté de devoir "couvrir les aides au secteur des caisses d'épargne".
Cette annonce survient alors que le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a confirmé jeudi qu'il proposait "une action coordonnée" en Europe pour recapitaliser les banques, afin de les débarrasser de leurs actifs toxiques.
De son côté, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet a lui aussi "press(é) les banques" de renforcer leur capital.
Interrogée à ce sujet, Elena Salgado s'est montrée confiante, assurant que "cela ne devrait pas supposer un besoin de capital additionnel pour les entités espagnoles", déjà suffisamment capitalisées selon elle.