Les manifestants qui conspuent Wall Street depuis deux semaines sous les fenêtres du sanctuaire de la finance mondiale se revendiquent du "printemps arabe", mais leur inspiration semble plus proche de celle des "indignés" européens.
La poignée d'anticapitalistes, qui a déroulé des sacs de couchage il y a deux semaines dans un petit square près de la Bourse de New York et brandi des pancartes en carton, affirmait suivre l'exemple des manifestants égyptiens de la place Tahrir au Caire.
Après trois semaines d'agitation, les manifestants espèrent recevoir le soutien des syndicalistes, après avoir reçu lundi celui, plus inattendu, du milliardaire George Soros. "J'ai de la sympathie pour leurs opinions", a dit l'investisseur lors d'une conférence de presse à l'ONU.
En réalité, quels sont les griefs de ces apprentis-révolutionnaires?
Demandez à une dizaine de ces manifestants, pour la plupart jeunes et très instruits, et vous obtiendrez dix réponses différentes: le renflouement par Washington des banques de Wall Street, le chômage, l'endettement des étudiants, les brutalités policières ou encore le réchauffement climatique.
Tentez alors de dénicher un porte-parole pour le groupe et vous vous heurterez à une nouvelle difficulté: aucun d'entre eux n'accepte d'endosser cette responsabilité.
"Chacun ici a une raison et un but qui lui est propre", résume Anthony, un manifestant de 28 ans. Le sien, pour le moins ésotérique, est de "faire de ce camp un univers sûr et autonome, libéré des règles extérieures".
Au vu de la popularité croissante de l'initiative, le mouvement pourrait en réalité se rapprocher des manifestations des "indignés" européens qui, dans la rue, crient leur rage face à l'impuissance des gouvernements à régler la crise financière.
En Espagne, en Italie, en Grèce et maintenant en Israël: des milliers de jeunes au chômage et de fonctionnaires menacés partagent la même angoisse face à la réduction des aides publiques.
Aux Etats-Unis, cette inquiétude est dorénavant partagée par les déçus du président Barack Obama et par les inconditionnels opposants à l'élite politique et économique du pays.
Au début, les "anti-Wall Street" ont eu du mal à capter l'attention des médias. Aujourd'hui, même si leurs objectifs restent obscurs, il n'en est plus rien.
"Nous sommes sur la place et il est devenu impossible de nous ignorer", affirme ainsi Anthony.
Samedi, la mobilisation a pris un nouveau tour. L'arrestation des 700 manifestants qui bloquaient la circulation sur le pont de Brooklyn a provoqué un fort soutien sur internet et une publicité sans précédent pour le mouvement, qui essaime de Los Angeles à Boston.
A Chicago, troisième ville du pays, une cinquantaine de jeunes occupe depuis 11 jours un CARREFOUR du quartier financier, sous les encouragements des automobilistes dont beaucoup klaxonnent en les voyant.
"J'ai l'impression d'entrer enfin dans l'Histoire", s'enflamme Joan Beamer, une jeune fille de 19 ans, sous le regard d'Eleanor Buckley, une sexagénaire qui a apporté de la nourriture aux manifestants.
"Il a fallu qu'il y ait la guerre du Vietnam pour que les gens de mon âge descendent dans la rue et fassent changer les choses. Je pense que la même chose est en train d'arriver ici. Tous les grands mouvements partent de zéro", espère Mme Buckley.