Les grands argentiers de la planète ont accru jeudi à Washington la pression sur l'Europe pour qu'elle mette fin à une crise de la dette qui risque de plomber l'économie mondiale, sans toutefois réellement aplanir leurs divergences.
"L'épicentre de la crise est aujourd'hui l'Union européenne", a souligné le ministre brésilien des Finances Guido Mantega.
Les assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, qui se sont ouvertes jeudi sur fond de nouvelle dégringolade des places financières mondiales, doivent permettre de "coordonner notre réponse pour stabiliser la zone euro, car c'est le coeur du problème aujourd'hui, et soutenir l'économie mondiale", a ajouté son homologue français, François Baroin.
Mais si le constat est consensuel, les solutions continuent de faire débat.
"Les pays européens traînent à trouver des solutions", a enchaîné Guido Mantega. "Les pays européens doivent être rapides, et doivent être coopératifs entre eux. C'est ce que nous recommandons", a-t-il martelé à l'issue d'une réunion des grandes puissances émergentes du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Selon lui, "si on ne résoud pas aujourd'hui le problème de la Grèce, cela va affecter les autres économies".
La zone euro a tenté de rassurer ses partenaires en démentant les rumeurs de faillite imminente d'Athènes, et en martelant qu'il n'était pas question de changer de stratégie.
Jouant les juges de paix, la directrice générale du FMI Christine Lagarde a de son côté tenté d'aplanir les divergences entre Etats-Unis et zone euro.
"Si le FMI peut être un bon entremetteur, je peux vous assurer que nous serons tous capables de mettre nos egos de côté, parce qu'ils ne sont franchement pas pertinents en comparaison avec les défis qui sont devant nous", a-t-elle déclaré.
Les dernières réunions entre Américains et Européens ont donné lieu à des échanges acerbes, à Marseille le 9 septembre (G7-Finances) comme à Wroclaw en Pologne le 17 (Eurogroupe).
Les uns et les autres se renvoient la responsabilité de la rechute de l'économie dans ce que Mme Lagarde a appelé "une phase dangereuse" de la crise.
Le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, a répété à mots couverts qu'il trouvait néfaste la rigueur budgétaire européenne.
"Les gouvernements devraient reconnaître que la croissance est le défi le plus grand qui se pose à nous dans le monde entier" et "adapter" leurs politiques à "cette réalité nouvelle", a-t-il dit.
Dans un autre endroit de la capitale américaine, le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, est resté de marbre. "La position de l'UE est claire. Le ralentissement n'est pas une excuse pour cesser de mettre de l'ordre dans nos finances publiques", a-t-il déclaré.
Mme Lagarde a donné raison aux uns et aux autres. Elle soutient le plan américain pour l'emploi de 447 milliards de dollars. Et elle encourage aussi l'effort des pays engagés dans la réduction de leur déficit public.
"Certains pays peuvent aider la croissance à court terme", a-t-elle indiqué, citant les Etats-Unis. Mais "les pays avancés ont besoin de rééquilibrer leurs finances publiques", a-t-elle rappelé.
Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a pour sa part renvoyé les Occidentaux dos à dos. Selon lui, "l'Europe, le Japon et les Etats-Unis doivent agir pour s'attaquer à leurs graves problèmes économiques avant qu'ils ne deviennent encore plus graves pour le reste du monde".
De la même manière, six pays membre du G20 (Australie, Canada, Corée du Sud, Indonésie, Mexique et Royaume-Uni) ont appelé la zone euro à "agir rapidement pour résoudre la crise" de la dette et rappelé aux Etats-Unis le "rôle important" qu'ils doivent jouer "pour restaurer la confiance". Selon le Canada, cette lettre traduit surtout "la frustration" face à l'inaction des Européens.
Les ministres des Finances et banquiers centraux du G20 devaient se retrouver jeudi soir pour un dîner de travail.