Les députés espagnols ont approuvé vendredi l'inscription dans la Constitution d'une "règle d'or" de stabilité budgétaire, un signe de bonne volonté à l'adresse des marchés mais qui suscite une grogne sociale et politique croissante au sein du pays.
Dès jeudi soir, plusieurs milliers d'"indignés", mouvement né mi-mai en Espagne du ras-le-bol de la crise, ont manifesté à Madrid contre cette réforme, dénonçant "la dictature des marchés" et réclamant un référendum.
Vendredi matin, quelques dizaines de personnes se sont encore réunies près du Parlement, entourées d'une forte présence policière.
Les deux principaux syndicats, CCOO et UGT, ont appelé à une "grande manifestation" le 6 septembre à Madrid contre le projet.
De leur côté, la plupart des petits partis, qui critiquent à la fois l'intérêt de la réforme et son adoption en urgence, avaient déposé 24 amendements au texte.
Six, voulant notamment introduire une obligation de référendum, ont été rejetés dès jeudi par les députés. Les 18 autres l'ont été vendredi.
Au final, le texte a été voté à 316 voix pour et 5 contre.
Le projet, qui doit être approuvé par trois cinquièmes des voix, va être transmis aux sénateurs, appelés à voter mercredi prochain.
L'Espagne a opté pour une procédure d'urgence afin de valider la réforme avant la dissolution du Parlement le 27 septembre, en prévision des élections législatives anticipées du 20 novembre.
L'adoption définitive du texte, qui inclut dans la Constitution le principe d'une limite du déficit public, ne fait aucun doute, le Parti socialiste au pouvoir (PSOE) et le principal parti d'opposition de droite, le Parti Populaire (PP), ayant noué un accord.
Mais le débat parlementaire a été agité.
A la tribune, se sont succédés les représentants des formations minoritaires, visiblement remontés: "Mais qui croyez-vous que vous êtes?", s'est énervée Rosa Diez, porte-parole de Union Progreso y Democracia (centre), accusant PP et PSOE d'avoir "exproprié la Constitution".
Une dizaine de députés ont quitté la salle avant même le vote.
Avec cette réforme, l'Espagne devient le premier pays à répondre à l'appel lancé le 16 août par la France et l'Allemagne, qui ont souhaité que les 17 pays de l'eurogroupe adoptent avant l'été 2012 la "règle d'or" visant à l'équilibre budgétaire.
La Commission européenne a salué dès mardi la décision des députés espagnols comme une "démarche positive".
Et jeudi, c'est la chancelière allemande Angela Merkel qui a félicité son homologue espagnol, lui disant que cette réforme est "importante pour la crédibilité et l'engagement de l'Espagne", selon le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero.
Pour Madrid, la réforme, qui s'accompagne d'une loi organique (votée d'ici juin 2012) incluant une limite chiffrée à 0,4% du PIB à partir de 2020, se veut un gage de bonne volonté face à des marchés financiers toujours sceptiques.
Elle doit "être en vigueur le plus rapidement possible parce que les prochains mois peuvent être difficiles", a souligné le porte-parole du gouvernement, José Blanco, lors d'une conférence de presse.
"Nous devons faire tout ce qui est possible pour nous protéger de mois aussi durs qu'a été le mois d'août", marqué par une forte tension sur les marchés, a-t-il ajouté.
Mais, dans un pays à l'économie sinistrée depuis la crise et l'éclatement de sa bulle immobilière, avec un chômage record (20,89%) parmi les pays industrialisés, ce nouveau message de rigueur passe mal auprès de la population.
Car il s'ajoute à des mesures d'austérité, depuis deux ans déjà, comme la suppression d'aides sociales et la baisse du salaire des fonctionnaires.
Ces dernières semaines, les régions, presque toutes passées à droite à la faveur des élections locales de mai, ajoutent à ce climat social tendu, lançant des plans d'économies pour tenter de combler leur gouffre financier.
La Castille-La Manche (centre) a annoncé mardi une baisse de son budget de 20% en 2012, un programme qui selon les socialistes détruira 15.000 emplois, tandis que dans la région de Madrid, face aux coupes budgétaires dans l'Education, les professeurs menacent d'une grève en septembre.