La Chine a annoncé qu'elle suspendait tout nouveau projet de construction dans les chemins de fer, une collision meurtrière de deux trains à grande vitesse ayant gravement mis en doute la sécurité de son réseau en plein essor.
Le gouvernement a également annoncé que la vitesse des TGV sur les lignes récemment ouvertes serait limitée et a ordonné des inspections sur toutes les lignes existantes ainsi que sur celles en construction.
Ces mesures radicales ont été annoncées tard mercredi, moins de trois semaines après la collision de deux TGV qui avait fait 40 morts le 23 juillet près de Wenzhou (est) -- le pire accident ferroviaire en Chine depuis 2008.
"Nous allons suspendre pour l'instant l'examen et l'approbation de tout nouveau projet de construction dans les chemins de fer", lit-on dans un communiqué du gouvernement publié après un conseil des ministres présidé par le Premier ministre Wen Jiabao.
Le gouvernement chinois va également "étudier de manière approfondie" les projets déjà approuvés afin de "choisir de manière rationnelle" les normes technologiques et les plans de construction, ajoute le communiqué.
Le ministère des chemins de fer a précisé jeudi que les trains conçus pour rouler à une vitesse maximale de 250 km/heure seraient limités à 200 km/heure. Les prix des billets seront réduits et les horaires aménagés en conséquence.
La gare de Shanghai (est) a annoncé sur Weibo, le Twitter chinois, que les ventes de billets sur les TGV au départ de la capitale économique chinoise étaient suspendues à partir du 15 août.
La catastrophe de Wenzhou a posé la question de la fiabilité des trains à grande vitesse de la Chine, dont le réseau est en plein essor: seulement créé en 2007 il est déjà le plus vaste du monde. Il doit passer de 8.358 km fin 2010 à plus de 13.000 km en 2012 et à 16.000 km en 2020.
Le tragique accident, apparemment dû à une défaillance de signalisation durant un orage, a déclenché un flot de messages sur l'internet où des Chinois ont accusé le gouvernement de sacrifier leur sécurité au développement économique effréné du pays.
Même le très officiel organe du Parti communiste, le Quotidien du Peuple, avait averti que le PIB de la Chine ne pouvait être "taché de sang".
La controverse a également touché le fabricant de TGV China CNR Corp, sommé de cesser ses livraisons de rames après une série de retards sur la ligne Pékin-Shanghai inaugurée en fanfare fin juin et dont beaucoup de trains sont très loin d'être remplis.
Le tragique accident a par ailleurs encore mis à mal la réputation des chemins de fer chinois, secoués par d'énormes affaires de pots-de-vin dans l'attribution de marchés publics qui avaient notamment conduit au limogeage en février du ministre des Chemins de fer Liu Zhijun.
"Nous nous sentons pleins de culpabilité et de chagrin à propos de ces pertes tragiques de vies humaines et de matériel dans l'accident", a déclaré l'actuel ministre des Chemins de fer, Sheng Guangzu, dans un communiqué publié après le conseil des ministres.
En décembre 2010, le ministère des Chemins de fer avait annoncé qu'un TGV de nouvelle génération avait roulé à plus de 486 km/h et pulvérisé le record de vitesse mondial pour une rame non modifiée.
Fière de sa technologie acquise grâce à des transferts étrangers, la Chine avait entrepris d'exporter du matériel pour la grande vitesse, s'affrontant sur le marché mondial avec des multinationales comme le français Alstom, le canadien Bombardier et l'allemand Siemens.
Mais la collision des deux TGV va lourdement affecter les exportations chinoises de technologies pour la grande vitesse et pourrait aussi toucher celles de matériel ferroviaire en général, prédisent les experts.