Le Brésil, où les hostilités sont ouvertes entre Carrefour et Casino, est un marché hautement stratégique pour les deux groupes français de distribution, qui tirent leur croissance des pays émergents et devraient se lancer dans une longue bataille juridique autour de CBD, dont Casino est actionnaire.
Pour Casino, le Brésil est le plus gros des quatre pays très peuplés et en forte croissance dans lesquels le groupe stéphanois concentre ses efforts de développement.
Ses autres pays clés sont la Colombie, le Vietnam, et la Thaïlande, où Casino s'est justement renforcé en novembre en rachetant les actifs locaux de Carrefour, qui a abandonné ce pays.
L'année dernière, ses ventes au Brésil se sont hissées à 4,6 milliards d'euros contre 2,9 milliards un an plus tôt, en partie grâce à l'intégration de Casas Bahia. Au premier trimestre 2011, les ventes de Casino au Brésil ont grimpé de 6,8%.
Le groupe présidé par Jean-Charles Naouri espère réaliser bientôt la moitié de ses ventes à l'international.
Pour Carrefour, le Brésil est devenu le deuxième marché après la France, avec des ventes totalisant 3,3 milliards d'euros au premier trimestre, en hausse de 22,4%. Une manne d'autant plus bienvenue que les hypermarchés européens du groupe sont à la peine.
"Le marché brésilien, c'est un tryptique" entre Pao de Açucar CBD, l'Américain Wal-Mart et Carrefour, et "un des marchés mondiaux qui connaît la plus forte croissance", souligne Gilles Goldenberg, consultant distribution indépendant.
"Le Brésil, comme la Chine, est un pays dans lequel en peu de temps des dizaines de millions de personnes ont accédé à la consommation de masse", et où la croissance se situe depuis des années entre 6 et 8%", relève Jean-Daniel Pick, associé du cabinet OC & C.
C'est le pays émergent le plus attractif pour les investissements des groupes de distribution, selon un classement publié il y a trois semaines par le cabinet AT Kearney.
Les distributeurs sont en effet alléchés par "sa croissance économique attendue à 5% pour les prochaines années, une population élevée et fortement urbanisée, le bond des ventes aux détail et les investissements en infrastructures prévus pour les prochains Jeux olympiques et Coupe du monde de football", selon AT Kearney.
Au-delà du Brésil, l'Amérique latine est "une zone géographique extrêmement importante" pour les deux distributeurs français non seulement par les ventes qu'elle génère, mais aussi "par son potentiel de développement", note Yves Marin, senior manager au cabinet de consultants Kurt Salmon.
Les deux groupes "ont rationalisé leurs investissements à l'étranger pour les concentrer sur des bassins particuliers", avec la fermeture par Carrefour de plusieurs pays au cours des deux dernières années, tandis que Casino l'avait fait précédemment, rappelle-t-il.
"Dans les bassins qui restent, l'Amérique du sud est pour les deux groupes extrêmement stratégique, puisque Carrefour est très présent au Brésil, en Colombie et en Argentine et Casino au Brésil, en Colombie, en Argentine et en Uruguay".
"L'intensité de la bataille sera à l'aune des enjeu commerciaux", ajoute-t-il.
Dans cet affrontement, Casino "oppose le droit des accords passés" avec la famille Diniz, indique M. Goldenberg. "Donc il faut aller à fond dans ces accords et voir quelles sont les failles, s'il y en a".
Alors que Casino dispose d'une OPTION pour prendre l'année prochaine le contrôle de CBD, il est possible que Abilio Diniz n'ait plus envie de céder son fauteuil, analyse-t-il.