Les Etats-Unis ont renvoyé mardi l'Europe à ses faiblesses dans la gestion de la crise de la dette en dénonçant la cacophonie de ses dirigeants, signe d'une inquiétude qui grandit hors de la zone euro sur les risques de contagion des turbulences en Grèce.
"Je pense qu'il serait très utile que l'Europe parle d'une seule voix, une voix claire, sur une stratégie" contre cette crise, a affirmé le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, lors d'une conférence à Washington.
"Il est très dur pour les gens qui investissent en Europe de comprendre quelle est la stratégie quand on a autant de voix différentes", a-t-il ajouté, utilisant des termes inhabituellement durs à l'égard des Européens.
Depuis des semaines, les pays européens éprouvent les pires difficultés à sauver la Grèce de la banqueroute car ils divergent sur les contours d'un nouveau plan de prêts et en particulier sur la contribution demandée aux créanciers privés du pays, banques et fonds d'investissement.
Pendant des semaines ils ont envoyé des messages contradictoires, provoquant la nervosité des marchés.
La chancelière allemande s'est finalement rangée la semaine dernière à l'avis du président français Nicolas Sarkozy, de la Banque centrale européenne de la Commission européenne et de la plupart de ses partenaires en acceptant que cette participation ne se fasse que de manière volontaire, et non coercitive.
Mais Berlin insiste pour qu'elle reste "substantielle" et qu'on trouve des incitations pour pousser les banques à se porter volontaires. Pour des raisons politiques, la chancelière entend mettre les banques à contribution alors qu'elle éprouve de plus en plus de difficulté à convaincre ses électeurs et contribuables de payer pour la Grèce.
Le sujet est très sensible car la Banque centrale européenne en particulier redoute qu'en forçant la main aux banques, la Grèce ne soit considérée comme dans l'incapacité de payer ses dettes par les agences de notation, avec à la clé une crise de défiance très grave se propageant à toute la zone euro.
Plus fondamentalement, depuis le déclenchement de la crise de la dette en Grèce début 2010, l'Europe paraît avancer à vue et dans l'indécision, malgré des progrès réels pour se doter d'instruments de défense.
En privé, de nombreux diplomates européens pointent du doigt la responsabilité de l'Allemagne, accusée de jouer avec le feu et d'aggraver la crise de la zone euro en repoussant à chaque fois le moment de délier les cordons de la bourse.
"Il est peu probable que l'approche actuelle soit en mesure de compenser le manque de volonté politique, de leadership, les divergences croissantes d'opinion et la cacophonie qui règne dans l'Union européenne", vient de mettre en garde un think-tank bruxellois réputé, le European Policy Center, dans une étude.
"Malgré tous ses efforts, l'UE a échoué à être en avance sur les événements et à persuader marchés et citoyens que ses institutions et ses Etats sont capables de faire face au défi de la crise de la dette", ajoute-t-elle.
Signe de la préoccupation que la crise grecque suscite à présent au niveau international, près de trois ans après le déclenchement de la crise financière mondiale suite à la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, deux conférences téléphoniques des ministres des Finances des pays du G7 ont été convoquées dimanche et lundi sur le sujet.
Le Fonds monétaire international est aussi sorti de sa réserve lundi en exhortant les responsables européens à prendre des mesures "déterminées". Faute de cela, a-t-il prévenu, cela "pourrait rapidement étendre les tensions jusqu'au coeur de la zone euro et entraîner d'importantes répercussions mondiales".