Les actionnaires de Carrefour ont validé dans une ambiance houleuse mardi la scission totale de Dia, l'enseigne discount du distributeur français, dénoncée par les syndicats qui crient au "démantèlement" du groupe dont la stratégie inquiète également certains petits porteurs.
Le feu vert à l'opération a été donné lors d'une assemblée générale à Paris. Environ 77% des actionnaires présents ou représentés, totalisant 68% des droits de vote, ont approuvé la scission en vue d'une cotation de Dia à Madrid à partir du 5 juillet.
Chaque actionnaire se verra remettre une action Dia par titre Carrefour détenu. Selon le groupe, l'opération pourrait valoriser Dia à quatre milliards d'euros, avec une dette de 800 millions d'euros.
Plusieurs centaines de salariés de Carrefour ont bruyamment manifesté leur opposition à la scission, rassemblés sur la place du Palais-Royal proche du Carrousel du Louvre où se tenait la réunion des actionnaires.
Les salariés détiennent environ 1% du capital du groupe et 1,76% des droits de vote. Michel Engelz, délégué Force ouvrière, qui a représenté le personnel lors du vote de l'assemblée générale, a accusé Carrefour d'avoir perdu la confiance de ses salariés, clients, petits actionnaires et fournisseurs.
Les critiques se sont cristallisées sur les deux principaux actionnaires, le fonds Colony Capital et l'homme d'affaires Bernard Arnault (14% du capital et 20% des droits de vote à eux deux) considérés comme les promoteurs de la scission de Dia, mais aussi de la foncière Carrefour Property, pour l'instant suspendue, pour compenser une moins-value sur leur investissement.
Depuis leur entrée au capital du numéro deux mondial de la distribution en mars 2007, le cours de Carrefour a fondu de moitié.
"Ils se sont trompés, ils sont entrée au mauvais moment", a estimé Fabrice Remon, directeur général du cabinet de conseil aux actionnaires Deminor, qualifiant la scission de "vente des bijoux de famille".
Plusieurs actionnaires ont pris à partie les dirigeants sur l'intérêt de céder Dia si l'activité est aussi prometteuse qu'ils affirment, ou sur l'intérêt de le coter au lieu de le vendre pour encaisser l'argent.
De la manifestation à l'extérieur, Dejan Terglav, syndicaliste FO, a fustigé les "projets de court terme" des administrateurs et "une politique au profit du plus petit nombre". "Le constat qu'on fait, c'est que l'action est passée de 53 euros (en mars 2007, NDLR) à 27 aujourd'hui. On n'a plus du tout confiance", a renchéri Bruno Damet pour la CGT.
Le conseil d'administration, réuni à l'issue de l'assemblée, a promu le suédois Lars Olofsson, directeur général de Carrefour depuis 2009, au rang de PDG, sur proposition d'Amaury de Sèze, jusque-là président qui devient "administrateur référent".
Anticipé par M. de Sèze devant les actionnaires, ce changement survient au moment où l'on dit M. Olofsson fragilisé après une accumulation de mauvaises nouvelles.
"A côté du lancement très encourageant" des hypermarchés rénovés Planet, les actionnaires ont récemment entendu parler du "changement de patron en France, de tensions sociales", de la suspension du projet de cotation de Carrefour Property, tandis que l'action baisse, a lui-même détaillé Lars Olofsson devant les actionnaires. "Tout comme vous, je n'en suis pas satisfait", a-t-il dit, comprenant que cela suscite "de la perplexité et même des doutes".
Carrefour "est sur le bon chemin et avance dans la bonne direction", a-t-il assuré, tandis qu'Amaury de Sèze faisait valoir que le groupe est engagé dans un plan de redressement à trois ans.
M. Olofsson s'est refusé à commenter "les rumeurs" sur son intérêt au Brésil pour le groupe CBD, partenaire local de son concurrent Casino.