Deux ans et demi après sa création, Pôle Emploi, né de la fusion des Assedic et de l'ANPE, est de nouveau sur la sellette mardi avec la publication d'un document du Conseil économique, social et environnemental (CESE) pointant des "insuffisances", en particulier dans le domaine de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
En moins de trois mois, le projet d'avis élaboré par la section travail et emploi du Conseil, présidée par Françoise Geng (CGT), est le troisième document relativement sévère sur le fonctionnement du service public de l'emploi.
En avril, une étude de l'Inspection générale des finances comparait les effectifs et l'efficacité de ce service (Pôle emploi, missions locales etc) à ses homologues allemand et britannique et soulignait que les tendances observées chez ces deux voisins "invitaient à réfléchir à une intensification de l'offre de services d'accompagnement des demandeurs d'emploi en France".
Un mois plus tard, la CFDT publiait à son tour une enquête sur le quotidien des agences de Pôle emploi au titre parlant: "malaise des deux côtés du guichet".
Cette fois, dans le document que son assemblée plénière examine mardi et mercredi, le CESE dresse un "bilan contrasté" de la réforme du service public de l'emploi, qui n'a pas "encore produit tous les résultats attendus", et d'une restructuration "peu préparée" et toujours "inachevée".
Sont tour à tour épinglés la coopération des différents acteurs au niveau régional, la gouvernance, les surcoûts engendrés par la réforme, le désengagement financier de l'Etat, le manque de moyens, les difficultés pour les agents de Pôle emploi et risques psycho-sociaux potentiels...
Mais surtout "la mission d'accompagnement des demandeurs d'emploi demeure très insuffisante et le service aux entreprises encore perfectible", estiment les auteurs.
L'accompagnement devrait être affiné, personnalisé, avec une meilleure offre de formation, des délais raccourcis et, pour cela, le nombre de demandeurs suivis par chaque conseiller "limité de manière notable", préconisent-ils.
"Quand on connaît le ton habituel plutôt feutré des rapports du conseil, il est difficile d'être plus critique que ça", souligne un spécialiste issu de la filière "économie sociale", Michel Abhervé, professeur associé à l'Université de Marne-la-Vallée.
"Le problème c'est que la fusion a été conçue en période d'amélioration de la situation du chômage et n'a pas été revue quand la crise est arrivée. Au contraire, on a demandé aux gens d'aller plus vite et on a déstabilisé encore le système", commente-t-il.
"A un moment, le politique a interféré constamment dans la gestion de +l'entreprise Pôle emploi+, tandis que les partenaires sociaux ont été bien pusillanimes vis-à-vis des pouvoirs publics", ajoute-t-il.
Le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy, a pour sa part défendu son bilan mardi dans un entretien à l'AFP, soulignant que le rapport du CESE, "fouillé", faisait bien apparaître "la complexité de l'opération de fusion, engagée dans un contexte d'explosion du chômage et donc de charge de travail considérable".
Mais il a aussi reconnu le bien-fondé des critiques sur l'accompagnement des demandeurs, se disant "favorable à une personnalisation renforcée", directement liée "au nombre de conseillers que l'on peut mettre en face des demandeurs d'emplois". Actuellement, un agent suit plus de cent demandeurs en moyenne au lieu de l'objectif initial de 60.
Selon lui, "cela passe par la question des moyens de Pôle emploi", qui devrait être examinée par l'Etat et les partenaires sociaux pour la prochaine convention tripartite 2012-2014.