L'alliance stratégique entre BP et Rosneft pour exploiter d'immenses ressources dans l'Arctique semble enterrée, le russe ayant fait savoir mardi qu'il se retirait et cherchait de nouveaux partenaires, malgré les assurances du britannique sur la poursuite des discussions.
Une source proche de la compagnie russe a indiqué mardi que celle-ci avait perdu patience face aux conditions posées par les partenaires de BP dans sa coentreprise en Russie, le consortium Alfa-Access-Renova (AAR), au coeur de l'imbroglio juridico-financier qui bloquait l'alliance depuis des mois.
Annoncée en grande pompe mi-janvier, l'alliance stratégique entre Rosneft et BP, estimée à 16 milliards de dollars, prévoyait un échange de participations croisées et l'exploration en commun d'une gigantesque zone sous-marine riche en hydrocarbures située au coeur de l'Arctique russe.
Mais elle a depuis subi une série de contre-temps, les deux groupes s'étant retrouvés confrontés à l'opiniâtreté d'AAR, qui regroupe quatre milliardaires russes.
Arguant que le pacte d'actionnaires de l'entreprise commune prévoyait que le groupe britannique réaliserait tous ses projets en Russie et en Ukraine via TNK-BP, le consortium a saisi la justice et obtenu gain de cause.
Le 6 mai, le tribunal d'arbitrage de Stockholm a conditionné la réalisation de cette entente à la participation de TNK-BP dans les projets d'exploitation, une condition que Rosneft avait auparavant maintes fois rejetée.
La seule issue était de racheter la part d'AAR dans TNK-BP pour sauver l'alliance.
Mais une source au sein de Rosneft a expliqué à l'AFP qu'AAR avait "refusé les offres, bien qu'elles aient été supérieures au prix du marché". Elle a précisé que le consortium s'était vu offrir 32 milliards de dollars pour sa part, soit 10 milliards de plus que le prix du marché.
Selon cette source, le groupe public chercherait désormais de nouveaux partenaires, manquant de l'expertise et des technologies pour développer ses gigantesques réserves dans la zone arctique, difficile à exploiter.
"Divers partenaires nous ont envoyé des propositions pour entrer dans le projet sur l'Arctique", a déclaré cette source.
"Nous ne les avions pas examinées jusqu'à présent puisque nous avions cet accord avec BP. Mais aujourd'hui, la compagnie essaie d'étudier attentivement ces propositions", a-t-elle ajouté.
Rosneft a déjà été approché par les groupes Exxon Mobil et Royal Dutch Shell et l'américain Chevron.
BP et AAR ont cependant publié au même moment un communiqué sur la poursuite des négociations. Mais un peu plus tard, une source au sein d'AAR a déclaré à l'agence Ria Novosti que TNK-BP était une entreprise rentable et prometteuse et que ses actionnaires russes pouvaient s'en tenir là.
"Le statut quo nous convient, et nous ne nous dépêchons pas pour vendre notre part", a-t-elle dit.
La rupture de l'alliance est lourde de conséquences pour BP, qui espérait ainsi surmonter les séquelles de la marée noire dans le golfe du Mexique, et pour son patron Bob Dudley, censé connaître parfaitement les arcanes russes pour avoir dirigé pendant des années TNK-BP.
Certains analystes mettaient aussi en garde sur les répercussions d'une telle rupture sur l'image de la Russie. Mais le porte-parole du Premier ministre russe Vladimir Poutine, qui avait pourtant soutenu la signature de l'accord en janvier, a estimé qu'elle n'allait pas "nuire au climat d'investissement en Russie".