Le gouvernement met la dernière main à sa réforme fiscale, avec la présidentielle en ligne de mire: les "petits riches" seront exonérés d'ISF dès 2011, tandis que Bercy ne versera plus de gros chèques aux plus aisés pour s'épargner de fâcheux symboles à la veille de l'élection.
Mi-avril, le ministre du Budget François Baroin avait annoncé les contours de la réforme, préférant accompagner la disparition du bouclier fiscal d'un simple allègement de l'impôt de solidarité de la fortune (ISF). De nombreux élus de la majorité redoutaient qu'une suppression de cet impôt emblématique, initialement souhaitée par Nicolas Sarkozy, n'apparaisse comme un cadeau aux plus riches à moins d'un an du scrutin.
Les ultimes arbitrages ont été égrénés ces derniers jours et le projet de loi sera présenté le 11 mai en conseil des ministres, pour un examen parlementaire en juin.
François Baroin a ainsi confirmé mardi que le relèvement du niveau de patrimoine à partir duquel on est redevable de l'ISF, de 800.000 à 1,3 million d'euros, serait appliqué immédiatement.
Concrètement, cela se traduira par la suppression, dès cette année, de l'impôt sur la fortune pour 300.000 contribuables présentés comme de "petits riches" tombés dans les mailles du filet à cause de la flambée de l'immobilier. Autant d'électeurs qui échapperont à l'ISF avant la présidentielle.
"Il aurait été absurde de voter une réforme et de dire aux contribuables qu'elle ne s'appliquerait que dans un an, après les élections", déclare à l'AFP le rapporteur du Budget au Sénat, l'UMP Philippe Marini.
Cette application immédiate devrait coûter environ 300 millions d'euros, compensés au moins partiellement, selon une source à Bercy, par un relèvement "dès l'été" de la taxation des très gros héritages.
En revanche, l'abaissement des taux d'imposition pour les patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros n'entrera en vigueur qu'en 2012.
Mais là aussi, Bercy prend soin de mettre au point "un dispositif" permettant "de gommer les effets de seuil" qui risquaient de pénaliser ceux qui détiennent un patrimoine dépassant de peu 1,3 ou 3 millions d'euros, les deux niveaux retenus pour fixer les nouveaux taux de l'ISF.
Enfin, le gouvernement, après avoir acté la mort du bouclier fiscal qu'il avait pourtant défendu bec et ongles, a décidé de se débarrasser aussi du symbole qui en a précipité la chute: le chèque par lequel l'Etat remboursait chaque année de coquettes sommes à de riches contribuables.
L'été dernier, en plein scandale lié notamment à l'évasion fiscale de Liliane Bettencourt, les informations selon lesquelles la milliardaire avait bénéficié en 2008 d'un chèque de 30 millions d'euros au titre du bouclier avaient fini de décrédibiliser un dipositif décrié jusqu'au sein de la majorité.
Malgré sa suppression en 2012, le bouclier, qui plafonne le total des impôts directs à la moitié des revenus d'un contribuable, jouera encore une dernière fois l'an prochain, pour les impôts versés cette année.
Mais "en 2012, les contribuables qui sont assujettis à l'ISF n'auront plus la possibilité de demander un chèque de restitution. Ils seront obligés de déduire eux-mêmes le montant du bouclier de leur ISF dû au 15 juin 2012", explique-t-on à Bercy.
"Cela évite d'avoir des chèques de restitution" en pleine campagne présidentielle, "puisqu'on a bien compris que la notion même de chèque choquait les Français", reconnaît-on de même source.
Cela ne change rien au montant des impôts versés in fine.
Mais, selon Philippe Marini, "personne ne comprendrait qu'on abolisse le bouclier fiscal et que quelques mois après, la charmante vieille dame de Neuilly (Liliane Bettencourt, NDLR) reçoive son chèque, dont on se chargerait de faire une large publicité"...