Le géant suisse des matières premières Glencore a levé le voile jeudi sur son introduction en Bourse, très attendue par les marchés, et qui vient couronner l'ascension vertigineuse d'une entreprise cultivant jusqu'à présent la plus grande discrétion.
Glencore, fondé il y a 37 ans par le sulfureux trader Marc Rich, a officiellement annoncé son intention d'entrer en Bourse, sur le FTSE 100 de Londres et à Hong Kong, où il prévoit de placer entre 15% et 20% de son capital.
L'opération devrait lui permettre de lever entre 9 et 11 milliards de dollars (6,2 à 7,6 milliards d'euros) auprès d'investisseurs.
Dans le cas d'une demande supérieure aux attentes, Glencore a prévu une rallonge, sous la forme d'une OPTION d'allocation supplémentaires, de 10% des actions, permettant à la société de lever au total environ 12 milliards de dollars.
En cas de succès, l'introduction en Bourse de Glencore s'annonce comme la troisième plus importante jamais réalisée en Europe, derrière l'opérateur allemand de télécommunications Deutsche Telekom qui avait obtenu en 1996 quelque 13 milliards de dollars et le groupe d'énergie italien Enel qui avait levé 17,4 milliards de dollars en 1999.
Partie de rien, la société, valorisée à plus de 60 milliards de dollars, fait aujourd'hui figure de géant des matières premières.
Elle ne se contente pas seulement d'être un acteur majeur du négoce, mais détient également une grande partie de ses actifs miniers (zinc, cuivre, plomb, aluminium, etc.), énergétiques (pétrole et charbon) et agricoles (coton, tournesol, blé, sucre...). Elle s'approvisionne aussi auprès de 7.000 sous-traitants.
Glencore détient par ailleurs en propre des installations portuaires, des entrepôts et une flotte de navires pour fournir ses clients à travers le monde.
Cette capacité à s'approvisionner et à livrer à n'importe quel endroit de la planète a permis à la société de négoce de dégager l'année dernière un bénéfice net (hors élément exceptionnel) de 3,8 milliards de dollars et un chiffre d'affaires de 145 milliards.
Jusqu'à présent détenue par ses salariés, l'entreprise installée à Baar (centre), butait sur des capacités de financement limitées dans la mesure où elle ne pouvait se financier sur les marchés comme des sociétés cotées.
Son entrée en Bourse, qui devrait être finalisée en mai, devrait lui permettre d'assouvir ses appétits de développement. Glencore va ainsi pouvoir relever sa participation dans le producteur kazakhe de zinc Kazzinc de 50,7% à 93%, financer d'autres investissements sur trois ans et réduire sa dette.
Ses actionnaires vont être gratifiés dès cette année d'un dividende supérieur à 1 milliard de dollars.
Jusqu'à présent peu disert sur sa structure, le groupe a dévoilé son conseil d'administration dans lequel il veut placer son directeur général Ivan Glasenberg et le directeur financier Steven Kalmin, ainsi que l'ancien directeur général de BP Anthony Hayward.
"Une introduction en Bourse est la prochaine étape logique dans notre stratégie de développement", a commenté M. Glasenberg, cité dans un communiqué.
"Nous nous réjouissons d'accueillir de nouveaux investisseurs, mais nous resterons l'actionnaire majoritaire", a-t-il précisé dans un entretien à l'AFP.
Les yeux des analystes se tournent désormais vers sa filiale Xstrata, dans laquelle Glencore détient 34,5%. Les spécialistes estiment que les deux groupes pourraient fusionner à terme.
"Toute considération de ce genre sera l'affaire du nouveau conseil d'administration", a expliqué M. Glasenberg. "Nous estimons que combiner les deux sociétés créera une plus-value, mais ce n'est pas à l'ordre du jour", a insisté le patron de Glencore.